De bonnes et de moins bonnes nouvelles

Le leçons du BEH sur le diabète

Publié le 04/02/2016
Article réservé aux abonnés

En France, nous commençons à disposer de davantage de données épidémiologiques, en particulier en ce qui concerne les diabètes. C’est une bonne nouvelle. Pour les soignants, les chercheurs cliniciens ou les responsables des politiques de santé, et enfin pour les patients. Savoir comment ils se portent, qui a le plus besoin de soutien, qui est en difficulté. Reste ensuite à définir que faire. Ces données sont riches, détaillées et précises. Elles stimulent la réflexion et orientent vers les actions à mener. Elles sont issues des registres informatiques du Système national d’information inter-régimes de l’Assurance-maladie (Sniiram), combinées au Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) et, pour les complications rénales, celles du registre du Réseau épidémiologique et information en néphrologie (REIN).

L’étude ENTRED, qui a précédé, commençait à dater. Les données sont cette fois-ci récentes, 2013, et portent sur des effectifs quasi exhaustifs : elles sont publiées par le BEH du 10 novembre 2015 (Bulletin épidémiologique hebdomadaire ; organe de l’Institut de veille sanitaire), date choisie pour coïncider avec la Journée mondiale du diabète 2015 (1).

Le BEH rapporte des données clés sur la situation de la prise en charge des diabétiques en France, métropole et DOM-TOM. Données épidémiologiques sur la prévalence du diabète, sur les complications, les hospitalisations pour problèmes podologiques ou pour infarctus du myocarde, les dialyses, et enfin un état des lieux des modalités de suivi, des examens paramédicaux et du suivi clinique. Les principales conclusions, rappelées dans l’éditorial du Pr Jacques Bringer (2), sont les suivantes.

Une progression épidémiologique

En France, en 2013, 3 millions de personnes prenaient un traitement médicamenteux pour un diabète (4,7 % de la population). Cette prévalence ne cesse d’augmenter, particulièrement chez les hommes, les jeunes (‹ 20 ans) et les plus âgés (› 80 ans). Néanmoins cette progression enregistre un ralentissement depuis 2009 : avec un taux de croissance annuel moyen passé de + 5,4 % (2006-2009) contre + 2,3 % (2009-2013). Une bonne nouvelle mais qui demande explication, ne serait-ce pas le fait d’une approche méthodologique différente ? En principe non.

Un fardeau encore bien lourd

Au-delà de l’épidémiologie du diabète elle informe sur le statut des complications : infarctus du myocarde, AVC, insuffisance rénale dialysée, amputation au niveau des membres inférieurs et qualité du suivi selon les recommandations.

Près de 12000 personnes diabétiques ont été hospitalisées pour un infarctus du myocarde, soit 2,2 fois plus que dans la population non diabétique (tableau 1). Et 17000 diabétiques ont été victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) conduisant à une hospitalisation (risque 1,6 fois supérieur). Plus de 20 000 diabétiques ont été hospitalisés pour une plaie du pied et près de 8 000 pour amputation d’un membre inférieur. Ceci représente un risque 7 fois supérieur à celui de la population non diabétique. Un traitement de suppléance pour insuffisance rénale chronique terminale a été nécessaire chez 4 256 diabétiques, risque 9 fois supérieur à celui des personnes non diabétiques.

De plus, ces complications sont retrouvées de façon inégales sur le territoire, pouvant traduire des différences de risque de certaines populations, ou de qualité de prise en charge, sans exclure des différences dans la démarche médicale et voire qu’une partie de ces disparités provienne d’une hétérogénéité régionale dans les pratiques de codage du PMSI des séjours hospitaliers (précédemment décrite dans des études portant sur la population générale).

Un constat plutôt favorable sur le suivi

L’autre dimension des données publiées concerne les modalités de suivi, leur adéquation avec les recommandations. Le constat est plutôt favorable, des progrès sont rapportés: davantage de dosage d’HbA1c et de créatinine, plus modestement de micro-albuminurie et de dosages de lipides. Une marge de progression persiste pour pas mal d’examen certes, mais ceci peut aussi traduire une adaptation légitime par le médecin traitant selon le contexte de certains patients, bons résultats, stables (fond d’œil strictement normal ne nécessitant pas de contrôle annuel), ou exigences moindres pour les patients très âgés et à juste titre (commentaire personnel). Des sous-analyses y répondront peut-être.

Des disparités socio-économiques…

Et pourtant, force est de constater que l’incidence des complications est sensiblement plus élevée dans certaines régions : départements d’outre-mer et en métropole le Nord-Pas-de-Calais et le grand Est. De plus ces disparités géographiques et socio-économiques se sont accentuées. On remarque que amputations, dialyse et AVC sont plus fréquents dans le Nord, l’Est et certains ou tous les DOM/TOM.

Ceci ne fait que confirmer la réalité de terrain, le constat quotidien de leurs « docteurs » et « infirmiers ». C’est aussi vrai dans les régions moins défavorisées, mais qui ont aussi leur lot de « laissés pour compte ». Certaines personnes sont plus défavorisées et plus vulnérables.

… dont les causes restent en partie inexpliquées

L’IGAS avait déjà pointé du doigt et reconnu la pertinence d’approches telles que les pôles de santé, les poogrammes ASALEE et critiqué le programme SOPHIA de la CNAM-TS. De plus il existe un paradoxe. Les personnes à niveau socio-économiques plus faible n’ont pas moins de suivi, moins d’ examens biologiques recommandés, ni moins de consultations. Ils pourraient même en avoir un peu plus ! Alors comment expliquer qu’ils présentent plus de complications du diabète ? Ont-ils plus de facteurs de risques associés, plus d’obésité, une alimentation plus nuisible pour des raisons culturelles ou économiques, ou les deux, plus de tabagisme, plus d’alcool, une pollution plus importante (dans certaines régions)… ?

Il faudrait mieux connaître les causes plausibles pour améliorer les choses, être vraiment utiles. Quelles leçons en tirer et comment contribuer à changer cela ? Selon moi, certains déterminants sont peu modifiables, du moins à court terme : obstacles économiques, sociaux, culturels, traditions. Mais, par exemple, on sait que l’éducation thérapeutique est insuffisamment offerte partout dans notre pays, et qu’elle touche peu les plus modestes, dont les migrants. L’effort devra être porté sur ces populations, celles qui en ont le plus besoin. Ce n’est pas simple mais cela doit guider nos choix en régions.

Le développement des maisons et pôles de santé, peut y contribuer, mais ce développement ne sera ni rapide ni universel. Laissons la diversité de l’offre, les réseaux, les approches éducatives ambulatoires plus qu’hospitalières y répondre.

Pr émérite de la faculté de médecine, université de Grenoble Alpes

(1) BEH, N° 34-35, 10 novembre 2015 p 617-54

?

Pr Serge HALIMI

Source : Bilan spécialiste