« Les chiffres sont assez dramatiques », s’alarme le Pr Pierre Fontaine, chef du pôle endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHRU de Lille et vice-président de la société francophone du diabète (SFD), « Il y a encore quelques années, l’OMS prévoyait 380 millions de diabétiques en 2025. On pense maintenant que ce sera plutôt de l’ordre de 450 millions. L’évolution est bien plus rapide que prévu ! »
En France, Les derniers chiffres disponibles datent de 2009, à l’époque ou l’on franchissait la barre des 3,5 millions de diabétiques dont 90 % ont un diabète de type 2, soit une prévalence de 4,4 % contre 2,6 % en 2000. Cette augmentation importante de la prévalence est en grande partie imputable aux évolutions des modes de vie et ne peut être contrée, selon la fédération française des diabétiques qu’en repérant et prenant en charge les patients prédiabétiques. Il faudra pour cela réveiller les consciences : « le diabète de type 2 est très sous-estimé, rappelle Gérard Raymond, secrétaire général de la fédération française des diabétiques, il s’agit pourtant de la première cause d’amputation en France. Les patients diabétiques ont 16 fois plus de risque d’artériopathie, et un risque augmenté d’atteintes oculaires. C’est aussi la première cause de cécité avant 55 ans, et on estime que 40 000 nouvelles plaies chroniques sont liées au diabète chaque année. »
Diagnostic tardif
Le dépistage est encore assez lacunaire en France, même chez les patients qui ont franchi le seuil des 2 g/L à jeun. Les chiffres de l’InVS indiquent en effet qu’environ 700 000 diabétiques ignorent leur maladie. « La conséquence de ce diagnostic très tardif, c’est que 30 % des patients en unités de soin intensif sont des diabétiques, connus ou pas, explique le Pr Fontaine, c’est souvent la survenue d’un AVC qui provoque le diagnostic du diabète. »
Pour Gérard Raymond, « le problème, c’est que le diabète est une maladie de société qui touche avant tout les populations précaires éloignées des réseaux de soin. Il faut donc mobiliser tous les acteurs locaux pour aller les dépister. »
Si le diabète se caractérise par un taux de sucre supérieur à jeun supérieur 1,26 g/L, le prédiabète se situe dans une zone grise : entre 1,1 et 1,26 g/L. La situation prédiabétique peut durer longtemps puisqu’il s’écoule entre 5 et 10 ans en moyenne entre les premières hyperglycémies et le diagnostic, une longue période pendant laquelle il est possible d’agir… Mais comment ?
Recommandations non formalisées
« Il n’existe pas de recommandations formalisées en ce qui concerne la prise en charge du prédiabète », reconnaît le Pr Fontaine. Cela fait pourtant plus de 15 ans que les preuves s’accumulent en faveur d’une efficacité de la prise en charge non médicamenteuse. L’étude américaine DDP fait aujourd’hui figure de référence en matière de prise en charge du prédiabète. Les chercheurs avaient montré que la prescription de metformine diminuait de 31 % le risque de développer un diabète en quatre ans de suivi, alors qu’un coaching visant à modifier les comportements le diminuait de 58 %.
Un tel coaching doit contenir à la fois un volet nutritionnel et un volet activité physique. Concernant les conseils nutritionnels retenus par la SFD, le praticien doit insister sur l’importance d’éviter les grignotages entre les repas, de réduire les graisses contenues dans les viandes, la charcuterie, les produits laitiers gras comme le fromage, le beurre ou la crème fraîche. Le médecin doit aussi inciter à augmenter la fréquence de consommation des poissons et d’utiliser des matières grasses d’origine végétale.
Il ne faut en revanche pas interdire les produits sucrés, surtout s’ils sont consommés en fin de repas, à l’exception notable des boissons sucrées. L’activité physique doit être régulière et adaptée aux possibilités de chaque patient.
La solution réside donc dans la modification des comportements, qui est bénéfique même chez les patients qui finissent par développer un diabète de type 2. « Le risque de décès est diminué de 20 % au bout de 20 ans chez tous les patients qui bénéficient d’un coaching », explique le Pr Fontaine pour qui la prise en charge du patient prédiabétique doit être globale, d’autant plus qu’il s’agit de patients qui présentent souvent des facteurs de risque cardiovasculaire à prendre en compte. « La prise en charge du prédiabétique doit être le fruit d’une collaboration entre le diabétologue et le cardiologue, estime-t-il. Ils doivent convenir d’objectifs thérapeutiques en ce qui concerne le poids, la tension artérielle, le taux d’HDL-Cholestérol contrôlé par les statines etc. Il n’y a pas de petit diabète il faut tous les traiter de façon globale au début de la maladie pour éviter la multiplication des comorbidités 10 ans plus tard. »
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