Une élévation des taux de catécholamines

Le point sur les manifestations cardiaques du phéochromocytome

Publié le 16/11/2009
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Tumeur neuroendocrine

Le phéochromocytome est une tumeur neuroendocrine rare dont l’HTA est le signe cardinal, son association à la triade clinique, céphalées, sueurs, palpitations, étant particulièrement évocatrice. L’HTA est permanente ou paroxystique du fait d’une sécrétion irrégulière des catécholamines par la tumeur mais n’est pas constante. Une hypotension paradoxale ou des formes à pression normale sont possibles et de nombreuses autres manifestations cliniques plus exceptionnelles et atypiques sont décrites, le phéochromocytome étant à l’origine d’une symptomatologie pléomorphe qui lui a valu d’être traité de « grand imitateur ».

Manifestations cardiaques

Les manifestations cardiaques du phéochromocytome sont la conséquence soit des répercussions de l’HTA soit de l’imprégnation catécholaminergique prolongée. Elles peuvent être révélatrices ou compliquer l’évolution d’un phéochromocytome méconnu, les conséquences étant alors dramatiques.

L’HVG, conséquence d’une HTA significative et prolongée est la complication la plus classique. Elle se manifeste sous la forme d’une cardiomyopathie hypertrophique obstructive, secondairement dilatée.

Les arythmies ou les troubles de conduction atrioventriculaires sont un autre mode de révélation du phéochromocytome. Toutefois, la majorité sont des complications survenant pendant le suivi des patients. Elles se traduisent cliniquement par des syncopes et peuvent aboutir au décès.

La cardiomyopathie dilatée (CM) hypokinétique est une complication beaucoup plus rare, susceptible de survenir en l’absence de toute HTA. Elle peut s’intégrer dans le cadre plus général de la cardiomyopathie adrénergique, entité décrite sous plusieurs noms : CM induite par les catécholamines, stress-related cardiomyopathy, broken-heart syndrome, syndrome de ballonisation apicale transitoire du ventricule gauche ou tako-tsubo cardiomyopathy. Le syndrome de tako-tsubo, décrit pour la première fois en 1990 par Sato H. et al porte ce nom en raison de la forme caractéristique que prend le ventricule gauche en systole qui ressemble à celle du « piège à poulpe » utilisée par les pécheurs japonais. La présentation clinique caractéristique est celle d’un syndrome coronarien aigu. En l’absence de phéochromocytome connu, le premier diagnostic évoqué est celui d’un infarctus du myocarde d’origine athéromateuse. Cette insuffisance coronaire est de type fonctionnel, le relargage massif des catécholamines étant responsable d’un accroissement brutal des besoins du myocarde en oxygène.

Plus rarement, ce syndrome se présente sous la forme d’un tableau d’insuffisance cardiaque gauche de gravité variable allant d’une simple dyspnée à l’œdème pulmonaire aigu et au choc cardiogénique. Une nécrose et/ou une hémorragie du phéochromocytome est fréquemment observée lors du choc adrénergique, le tableau clinique imitant une urgence abdominale ; la mortalité y est supérieure à 50 %. Dans des cas exceptionnels, la nécrose peut être complète et réaliser une tumorectomie fonctionnelle.

La CMD du phéochromocytome peut également être à l’origine de manifestations plus progressives mimant en tout point l’évolution terminale d’une CMD idiopathique.

Paramètres d’exploration cardiaque

La biologie peut montrer une élévation modérée des enzymes cardiaques sans valeur prédictive de l’étendue de l’akinésie. L’ECG peut révéler des troubles de la repolarisation diffus et non systématisés ; un aspect de nécrose avec onde Q, prédominant en inférolatéral. Les ondes Q sont régressives en quelques jours alors que les troubles de repolarisation persistent plus longtemps, contrairement à ce qui est observé dans l’infarctus du myocarde ; un allongement du QT ; des troubles du rythme (tachycardie ou bradycardie sinusale, fibrillation auriculaire, tachycardie ou fibrillation ventriculaire, torsade de pointe), des troubles de la conduction atrioventriculaire (BAV complet), des signes classiques d’HVG.

L’échographie peut montrer une hypertrophie myocardique en cas d’HVG, une altération de la fonction ventriculaire gauche (FE < 30 %), une hypokinésie pariétale diffuse et globale mais surtout une akinésie apicale contrastant avec une hyperkinésie compensatrice des segments de la base du VG responsable de l’aspect traditionnel de ballonnisation. La localisation principalement apicale s’explique par la densité et la sensibilité accrue des récepteurs bêta-adrénergiques dans cette zone. Une hypokinésie basale avec préservation de l’apex a été rapportée une seule fois. Elle peut aussi mettre en évidence un gradient de pression intraventriculaire gauche.

La coronarographie est normale avec parfois une surcharge athéromateuse indépendante du phéochromocytome.

Physiopathologie

La physiopathologie de cette CMD reste incertaine, plusieurs hypothèses sont avancées : une

Imprégnation chronique par les catécholamines induisant une inadéquation entre les apports et les besoins en oxygène du myocarde ; une toxicité directe des catécholamines responsable d’une sidération myocardique transitoire ; une hyperactivité adrénergique avec vasospasme coronarien ; un gradient intraventriculaire gauche transitoire par obstruction dynamique secondaire à l’hyperactivité sympathique.

Évolution et traitement

L’évolution de la CMD du phéochromocytome est le plus souvent favorable avec récupération complète de la fonction cardiaque dès l’arrêt de l’imprégnation catécholaminergique par ablation de la tumeur. Le pronostic reste imprévisible et dépend de la précocité du diagnostic.

Le traitement préopératoire est symptomatique. Les bêta bloquants restent la base du traitement en cas d’HTA mais les inhibiteurs calciques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont également efficaces. La prévention des arythmies fait recours aux bêta bloquants. L’initiation de ce traitement doit être mûrement réfléchie, car non précédée d’un traitement par α bloquants, il peut précipiter une crise hypertensive avec collapsus hémodynamique. Le traitement du choc adrénergique suit les principes généraux du traitement du choc par remplissage et agents vasoactifs.

Conclusion

Malgré des progrès importants dans les techniques de dépistage du phéochromocytome, il reste encore un grand nombre de cas non diagnostiqués en raison d’une présentation clinique peu évocatrice. Il convient de garder à l’esprit la possibilité d’un phéochromocytome dès lors qu’on est face à un état de choc ou une CMD dont l’étiologie n’est pas évidente. L’absence d’HTA ou tout autre signe classiquement décrit ne doit pas le faire exclure de principe.

Pas de conflit d’intérêt déclaré.

 Dr FLORINA LUCA Service de médecine interne et nutrition, hôpital de Hautepierre, Strasbourg.

Source : lequotidiendumedecin.fr