Le diabète de type 1 n’est pas ce que vous croyez !

Le rôle de l’auto-immunité revisité

Publié le 21/05/2015
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La protection anti-îlots serait un événement secondaire, qui serait déclenché par l’apoptase ou...

La protection anti-îlots serait un événement secondaire, qui serait déclenché par l’apoptase ou...
Crédit photo : PHANIE

Le Pr Marc Donath (Suisse) a fait un remarquable exposé assez provocateur en revisitant le rôle de l’auto-immunité dans la physiopathologie du diabète de type 1 (DT1). Cet exposé est en lien avec un éditorial publié dans Diabetologia en 2014.

Marc Donath a rappelé en introduction que l’héritabilité génétique pour le DT1 est beaucoup moins importante que pour le DT2. La prédisposition au DT1 associée au génotype HLA a une faible pénétrance. De plus, d’après lui, le rôle causal de l’auto-immunité dans la destruction des cellules bêta pourrait être remis en question. Il a aussi souligné que le DT1 n’est pas fréquemment associé à d’autres maladies auto-immunes systémiques – comme le lupus ou la sclérose en plaques – mais uniquement à des pathologies auto-immunes glandulaires. Pour lui, il s’agit avant tout d’une réaction auto-immune secondaire à une augmentation de la présentation des auto-antigènes liée à des lésions tissulaires locales. Les facteurs étiologiques restent inconnus : peut-être viraux.

Le diagnostic d’insulite, qui est admis comme incontournable dans le DT1, est en réalité assez controversé et semble peu avéré, puisque moins de 10 % seulement des îlots apparaissent infiltrés par des cellules immunitaires lors des biopsies effectuées chez des patients avec DT1 (1). De plus, les îlots infiltrés contiennent finalement peu de leucocytes ou de macrophages, qui sont surtout observés en périphérie des îlots (1). Enfin, l’infiltration lymphocytaire concerne à la fois le pancréas endocrine et exocrine, ce qui ne correspond pas à une atteinte auto-immune spécifique d’organe.

Marc Donath a souligné les différences entre les biopsies humaines et l’histologie pancréatique des souris NOD, qui sont souvent utilisées comme modèle animal de DT1. Il existe une infiltration massive des îlots chez les souris NOD, ce qui souligne les limites des extrapolations chez l’homme des résultats observés chez ces souris.

Pour le Pr Donath, il est difficile d’admettre que cette infiltration relativement modeste des cellules bêta puisse expliquer à elle seule la réduction drastique de l’insulinosécrétion liée à des altérations majeures de la fonction bêta dans le DT1.

De même, l’administration d’immunosuppresseurs, et surtout la ciclosporine, qui a été étudiée dans les années 1980 ont eu une efficacité très limitée dans l’évolution de la maladie et de la fonction bêta avec une faible proportion de répondeurs et pas d’amélioration de l’HbA1c. De plus, l’absence de corrélation entre l’évolution du taux d’anticorps et l’évolution de la sécrétion du peptide C sous ciclosporine n’est pas en faveur d’un rôle majeur de l’auto-immunité.

Un évènement déclencheur

Marc Donath a émis l’hypothèse que la production des anticorps anti-îlots serait un événement secondaire, qui serait déclenché par la destruction ou l’apoptose des cellules bêta et non l’inverse.

Les résultats assez décevants des thérapies ciblant l’auto-immunité dans le DT1, comme les anticorps anti-CD3, anti-CD20, anti-IL-1ß vont dans le sens d’un rôle finalement mineur de l’auto-immunité dans le développement de la perte de la fonction ß. Ces résultats diffèrent de ce qui est observé dans d’autres pathologies auto-immunes, comme la maladie de Crohn où le traitement par anti-TNFα induit une réponse beaucoup plus importante et prolongée.

Le moment de l’initiation de la thérapie ne semble pas pouvoir expliquer l’échec relatif de l’immunothérapie dans le DT1, car les patients recevaient le traitement dans les trois premiers mois après l’apparition de l’hyperglycémie. Or l’évolution naturelle vers une certaine rémission et une amélioration de l’hyperglycémie qui est spontanément observée et correspond au phénomène dit de la lune de miel, suggère que la majorité des patients ayant un DT1 conserve une certaine masse fonctionnelle de cellules bêta dans les mois qui suivent l’apparition de l’hyperglycémie.

Du peptide C après 15 ans de diabète

Il existe parmi les patients avec DT1 une hétérogénéité dans la fonction bêta résiduelle. On observe une diminution progressive de l’insulinosécrétion au cours du temps dans le DT1 mais une proportion non négligeable de patients avec DT1 présente un peptide C détectable, après plus de 15 ans de diabète. Il a été montré que ces patients ont un risque diminué de complications microvasculaires. Un dosage ultrasensible du peptide C permet de détecter davantage de patients avec une microsécrétion d’insuline préservée.

Des études ont montré que la proportion de patients avec peptide C urinaire détectable était plus importante si le diagnostic du DT1 avait été porté après l’âge de 18 ans, à durée de diabète identique. Une perte plus rapide de la masse bêta dans l’enfance a été évoquée pour expliquer ces résultats.

Une étude publiée en 1989 avait montré que le traitement de l’hyperglycémie par insulinothérapie intensive pendant 14 jours préservait la réduction de l’insulinosécrétion résiduelle, ce qui suggère une influence précoce de l’hyperglycémie sur les cellules bêta. Dans l’étude du DCCT, les patients du groupe traitement intensif avaient une plus forte probabilité de conserver un peptide C détectable au fil du temps. Le maintien d’une microsécrétion résiduelle d’insuline a été associé à une meilleure réponse au glucagon, une plus grande stabilité glycémique, et moins d’hypoglycémies sévères, ce qui est en faveur d’interactions étroites entre les cellules α et ß. Toujours dans l’essai du DCCT, un peptide C détectable était associé à une réduction du risque de rétinopathie diabétique. Ces résultats encouragent à privilégier le maintien d’une insulinosécrétion résiduelle dans le DT1, ce qui passe probablement par un équilibre glycémique précoce et la lutte contre la glucotoxicité.

Service d’endocrinologie-diabètologe-nutrition de l’hôpital de Rennes

D’après la communication du Pr Marc Donath (Suisse)

(1) In’t Veld P, Lievens D, de Grijse J et al. Screening for insulitis in adult autoantibody-positive organ donors. Diabetes 2007;56:2400-4

Pr Fabrice Bonnet

Source : Bilan spécialiste