Obésité et maladies respiratoires

Le rôle des adipokines se précise

Publié le 25/03/2010
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DANS LE SYNDROME d’apnée du sommeil, l’obésité joue un rôle mécanique direct du fait de la diminution du calibre oropharyngé provoquée par l’augmentation des dépôts graisseux peripharyngés, mais elle a aussi un rôle indirect. En effet, elle est responsable durant le sommeil, d’une diminution du volume pulmonaire liée à la masse abdominale et à la position allongée. Il s’ensuit une diminution de la traction du pharynx (celle normalement exercée par le médiastin en réponse à la descente du diaphragme). Or comme cette traction joue un rôle important dans la stabilisation des voies aériennes, son altération s’accompagne d’une augmentation des apnées. Enfin, l’obésité semble diminuer le contrôle neuromusculaire des voies aériennes supérieures. « Selon certains travaux, des cytokines proinflammatoires larguées par le tissu adipeux participent à cette diminution de la réponse neuromusculaire. C’est en tout cas une voie de recherche très active » explique Jean-Christian Borel.

L’obésité est un facteur de risque indépendant de l’asthme. Comparativement aux asthmatiques qui ne sont pas obèses, l’asthme des personnes obèses est plus sévère, moins bien contrôlé (avec plus d’hospitalisations induites) et moins sensible aux traitements, en particulier aux corticoïdes inhalés. À l’inverse, tous ces éléments sont améliorés par la perte de poids. « Ainsi, il existe probablement un phénotype particulier de l’asthme chez la personne obèse, très différent de celui de l’asthme atopique (l’obésité n’est pas un facteur de risque pour l’allergie). Parmi les facteurs impliqués dans ce phénotype, on retrouve le reflux gastro-œsophagien et le syndrome d’apnée du sommeil. D’autres facteurs sont également en cause, car des études ont mis en évidence que l’obésité et l’asthme restent associés indépendamment de ces deux facteurs. Les mécanismes liant l’obésité à l’asthme ne sont pas complètement établis, mais la recherche est très active du côté des adipokines » précise J.-C. Borel.

Des études animales sur un modèle murin (souris déficientes en leptine) ont permis de constater que l’administration de leptine exogène augmente la réactivité bronchique à un test de provocation. Une autre adipokine anti-inflammatoire, l’adiponectine, possède également des récepteurs exprimés à la surface des cellules épithéliales. Or si on injecte de l’adiponectine à des souris déficientes en cette molécule, on prévient l’hyperréactivité bronchique.

Ces expériences ne sont pas transposables à l’homme, mais des études ont rapporté l’existence d’un lien entre leptine et asthme, en particulier chez les jeunes filles prépubères et les femmes préménopausées, ce qui suggère l’interaction possible de facteurs liés au sexe qui pourraient être l’expression de différents polymorphismes de l’adiponectine, chez les femmes ou chez les hommes.

Une étude française, réalisée entre 1999 et 2006 sur 120 000 patients, a montré que l’obésité viscérale est un facteur indépendant associé à l’obstruction bronchique et ce, dans les deux sexes. Curieusement, dans les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) sévères, un indice de masse corporelle très élevé se révèle être un facteur protecteur, ce qui, selon les hypothèses avancées, serait plutôt dû à une conservation de la masse maigre.

En revanche, dans la BPCO, plus d’un quart des décès sont d’origine cardio-vasculaire. Cela suggère, cette fois, que l’obésité pourrait majorer le risque cardio-vasculaire des patients ayant une BPCO légère à modérée.

Le syndrome obésité-hypoventilation.

Le syndrome obésité-hypoventilation (SOH) se définit par un IMC supérieur à 30 kg/m 2 et la présence d’une hypercapnie (PaCO 2 ≥ 45 mmHg) sans autre cause d’insuffisance respiratoire (BPCO, maladie neuromusculaire, pathologie pulmonaire restrictive). Les études de prévalence n’existent pas en population générale, mais le SOH affecterait 10 à 20 % des patients obèses référés à des laboratoires du sommeil. Sous-diagnostiqué, ce syndrome est caractérisé par une morbidité et une mortalité cardio-vasculaires très accrues par rapport à des obèses eucapniques, probablement en raison d’une inflammation de bas grade plus importante. Plusieurs facteurs prédisposant ont été mis en cause, comme le SAS, le syndrome restrictif thoraco-pulmonaire et un déficit du contrôle respiratoire. « L’une des hypothèses actuellement avancées serait que ces patients ont développé une résistance à la leptine, d’où l’augmentation de la sécrétion de cette dernière et l’inflammation qui en découle » conclut J.-C. Borel.

D’après un entretien avec Jean-Christian Borel (docteur en physiologie), CHU de Grenoble.

Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes