Les hypolipémiants ne sont pas suffisamment utilisés chez les diabétiques

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Publié le 27/11/2023
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Deux ans après la publication de recommandations à ce sujet, les objectifs lipidiques ne sont que rarement atteints chez les patients atteints de diabète, que ce soit de type 1 ou 2, d’autant moins quand ils présentent un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé.

Les recommandations de 2019 de la Société européenne de cardiologie (ESC) et de la Société européenne d’athérosclérose (EAS) pour les traitements hypolipidémiants des sujets diabétiques, sont-elles suffisamment mises en œuvre ? C’est ce qu’a cherché à évaluer un registre de registre allemand et autrichien, qui a suivi plus de 30 000 patients atteints de diabète de type 1 (DT1) et de diabète de type 2 (DT2) entre 2020 à 2022 (1).

Les données 2020 et 2021 de 3 170 patients adultes (8 314 patients DT1 et 23856 DT2) ont été stratifiées selon les catégories de risque ESC/EAS 2019. Le LDLc et le non-HDLc ont été analysés.

Moins de la moitié des patients traités

Chez les patients atteints de DT1 (âge médian 38,3 [20,5-57] ans), l’utilisation globale des statines était de 19,3 %, celle de l’ézétimibe de 2,2 % et moins de 1 % étaient sous iPCSK9.

De façon non surprenante, peu de ces DT1 atteignaient leur objectif de LDLc recommandé :

- seuls 6,2 % de ceux qui étaient à risque très élevé (objectif < 55 mg/dL)

- 10,9 % de ceux qui étaient à risque élevé (objectif < 70 mg/dL)

- 69,5 % de ceux qui étaient à risque modéré (objectif < 100 mg/dL).

Quant au traitement des patients atteints de DT2 ans (âge médian 68,8 [58,8-78,4] ans), 45,7 % ont reçu des statines, 3,4 % de l’ézétimibe et les fibrates et 1 % des inhibiteurs de PCSK9.

Parmi ces DT2, ont atteints leur objectif de LDLc recommandé :

- 11,8 % de ceux qui étaient à risque très élevé (objectif < 55 mg/dL)

- 16,2 % de ceux qui étaient à risque élevé (objectif < 70 mg/dL)

- 51 % de ceux qui étaient à risque modéré (objectif < 100 mg/dL).

À noter que les objectifs non-HDLc ont été plus souvent atteints, à 15,3 %, 25,5 % et 91,6 % des patients atteints de DT1 et 18,6 %, 18 % et 82,3 % des patients atteints de DT2 pour un risque très élevé, élevé et modéré, respectivement.

N’oublions pas l’essentiel !

Cette étude confirme ce que je rappelle régulièrement dans mes articles et commentaires depuis des années. Si les iSGLT2 et les arGLP1 sont une réelle avancée pour réduire les complications cardiovasculaires des DT2, ils n’ont prouvé cela que chez des patients parfaitement traités pour les facteurs de risque cardiovasculaires, à commencer par l’hypertension artérielle (avec des molécules agissant sur le système rénine angiotensine) et les lipides. Qu’auraient montré toutes ces études sans cela ?

Avec les progrès permis par les nouvelles molécules, on en arriverait à négliger l’atteinte des objectifs lipidiques et le recours aux hypolipémiants. On me rétorque que rien ne permet d’affirmer qu’ils soient primordiaux. Eh bien, une étude de plus montre que les lipides ne sont pas aux objectifs, dans un pays au système de santé rigoureux. Commençons donc par nous assurer de cela !

Professeur Émérite, Univsersité Grenoble-Alpes

(1) Brandts J, Tittel SR, Bramlage P, Danne T, Brix JM, Zimny S, Heyer CHJ, Holl RW, Müller-Wieland D. Low-density lipoprotein cholesterol and non-high-density lipoprotein cholesterol in type 1 diabetes and type 2 diabetes: Lipid goal attainment in a large German-Austrian diabetes registry. Diabetes Obes Metab. 2023 Dec;25(12):3700-3708 

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr