Par le Pr Jean-Frédéric Blické *
LES ANALOGUES du GLP-1 reproduisent les effets du GLP-1, une hormone normalement secrétée par les cellules endocrines du tube digestif lors des repas, dont le diabétique est déficient, et qui exerce un effet glucorégulateur par divers mécanismes :
- stimulation glucodépendante de l’insulinosécrétion (effet incrétine) et freinage de la sécrétion de glucagon ;
- ralentissement de la vidange gastrique ;
- effet satiétogène.
Les analogues du GLP-1.
Les deux molécules actuellement sur le marché présentent des caractéristiques différentes.
L’exénatide est un agoniste du récepteur du GLP-1 dont l’homologie de structure avec le GLP-1 n’est que de 53 %. Sa demi-vie, de 2,4 heures, est plus longue que celle du GLP-1 du fait d’une moindre sensibilité à l’enzyme qui dégrade cette hormone in vivo, la dipeptidyl-peptidase-4. Il est éliminé par voie rénale. Il doit être administré deux fois par jour dans l’heure précédant les repas, avec un intervalle minimum de 6 heures entre deux injections.
Le liraglutide est un analogue du GLP-1 dont il ne diffère que par un acide aminé et la greffe d’un acide gras permettant sa liaison à l’albumine. De ce fait, son absorption est retardée (tmax ? 11 heures) après son injection sous-cutanée. Il est clivé par la DPP-4 et éliminé par différents tissus comme le GLP-1 avec un t ½ de 11,6 à 12,8 heures, sans impact de la fonction rénale.
Intérêt thérapeutique.
Les principaux avantages thérapeutiques des analogues GLP-1 mis en évidence par les divers essais de phase III du dossier d’AMM sont le moindre risque d’hypoglycémie par comparaison aux sulfamides hypoglycémiants en association à la metformine et par rapport à l’insuline associée aux antidiabétiques oraux. Par rapport à cette dernière, ils assurent un meilleur contrôle glycémique post-prandial. Mais le principal intérêt de cette classe thérapeutique réside dans son effet favorable sur le poids, qui contraste avec la prise de poids observée sous sulfamides et plus encore sous insuline. D’autres propriétés intéressantes ressortent des données expérimentales et animales :
- un effet anti-apoptotique et une augmentation de la néogenèse des cellules ß qui pourrait faire barrière à la perte de l’insulinosécrétion caractérisant l’histoire naturelle du DT2 ;
- des propriétés cardio-vasculaires favorables avec un effet anti-ischémique chez l’animal in vivo, une amélioration de la fonction endothéliale, un abaissement des chiffres tensionnels, du BNP circulant et la CRP ultra-sensible.
Effets indésirables.
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés dans les essais cliniques sont les troubles digestifs à type de nausées, s’estompant habituellement au bout de 2 mois avec l’exénatide et de 4 semaines avec le liraglutide, dose-dépendants, et conduisant dans 5 à 10 % des cas à l’arrêt du traitement. Concernant le liraglutide, une augmentation des cancers médullaires de la thyroïde a été observée dans certains modèles animaux, sans confirmation humaine jusqu’ici. Pour l’exénatide, quelques cas d’aggravation d’une insuffisance rénale modérée au départ ont été rapportés dans les données de pharmacovigilance post-commercialisation. Enfin pour les deux agents, un risque modérément augmenté de pancréatite est possible et la question d’une prolifération et d’une éventuelle transformation néoplasique des cellules ß est posée. L’ensemble de ces effets indésirables potentiels est intégré dans un plan européen et national de gestion des risques.
Comparaison des diverses molécules.
Par rapport aux IDDP-4, les analogues du GLP-1 permettent d`obtenir une amélioration un peu plus importante de l’HbA1c et un meilleur contrôle glycémique post-prandial. Leur tolérance digestive est toutefois nettement moins bonne.
Un essai de comparaison directe du liraglutide et de l’exénatide a conclu à une efficacité sur l’HbA1c et une tolérance légèrement supérieures du liraglutide, mais l’exénatide était plus performant sur la glycémie post-prandiale du matin et du soir.
En pratique.
Les deux molécules actuellement disponibles sont vendues sous forme de seringues préremplies : 60 doses de 5 ou 10 µg pour l’exénatide, avec 3 doses programmables pour le liraglutide (0,6, 1,2 et 1,8 mg). La dose faible est utilisée en initiation du traitement (pendant un mois pour l’exénatide et une semaine pour le liraglutide). Elle est ensuite majorée en fonction du résultat et de la tolérance. Pour le liraglutide, la dose de 1,8 mg n’est que très rarement recommandée.
En dépit des propriétés extrêmement séduisantes de ces agents, deux constats peuvent être faits :
- les AMM et conditions de remboursement des deux produits sont restées inchangées, mais, en pratique, depuis l’arrêt de commercialisation en France des glitazones, seules persistent l’association à la metformine, aux sulfamides hypoglycémiants en cas de contre-indication ou d’intolérance à la metformine, ou à la bithérapie par metformine + sulfamide hypoglycémiant, cette dernière indication étant la seule ouvrant droit au remboursement.
- la place thérapeutique des incrétinomimétiques reste actuellement relativement limitée et les utilisations hors du cadre légal de prescription semblent assez marginales.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer l’absence de raz de marée provoqué par les incrétinomimétiques : leur coût, la contrainte des injections, la tolérance digestive problématique à l’introduction du traitement. D’autre part, les attentes sans doute excessives des cliniciens ont parfois été déçues, en particulier dans le cas de patients déjà traités par une insuline basale avec une prise de poids importante et un contrôle glycémique insuffisant. Ces échecs sont vraisemblablement attribuables au caractère trop tardif du recours à cette classe thérapeutique. Côté patients, si l’effet satiétogène est le plus souvent observé, il est extrêmement variable, et de 10 à 20 % des patients n’obtiennent pas de perte de poids. Dans un certain nombre de cas, cet effet semble s’estomper avec le temps. Quant à la durabilité du contrôle glycémique, elle est difficile à vérifier dans la pratique clinique, mais, à l’évidence, certains patients initialement répondeurs semblent échapper au traitement secondairement.
Développements attendus.
Plusieurs études ont montré l’intérêt des analogues du GLP-1 en association à l’insuline, en termes de contrôle glycémique, en particulier post-prandial, d’évolution pondérale et de réduction des doses. L’obtention d’une AMM en association à l’insuline est attendue et permettrait de rendre officielle une pratique déjà réalisée de façon marginale par de nombreux diabétologues dans des situations d’échec de l’insulinothérapie liés en particulier à une prise de poids.
Le développement d’analogues d’action prolongée, permettant une administration hebdomadaire, se poursuit, même si celui de certaines molécules comme le taspoglutide a été interrompu. Ces molécules se révèlent plus efficaces sur le contrôle glycémique et mieux tolérées sur le plan digestif, mais elles peuvent être à l’origine de réactions au point d’injection localement et parfois de réactions immunologiques.
Le principal frein actuel à l’utilisation de ces molécules sera levé par les résultats d’études cliniques d’événement, qui devront démontrer la bonne tolérance à long terme et éventuellement les bénéfices attendus en termes de prévention cardio-vasculaire.
* Chef du service de médecine interne, diabète et maladies métaboliques, CHRU Strasbourg.
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