Objets connectés : un service médical rendu peu convaincant

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Publié le 31/01/2019

Si les offres commerciales d'objets connectés pour la santé fleurissent, leur utilité n'est pas toujours évidente et encore plus rarement démontrée sur le plan scientifique. Qui plus est, « aucun objet connecté n'a fait la preuve de son efficacité s'il n'est pas associé à une offre de service », indique le Dr Boris Hansel, codirecteur, avec le professeur Patrick Nataf, du centre de responsabilité santé connectée de l'hôpital Bichat de l'AP-HP, à Paris.

En outre, même parmi ces objets, l'apport d'une connexion n'est pas forcément gage d'efficacité, comme dans le cas des autotensiomètres connectés : « s'il existe bien des preuves solides de l'utilisation de ces appareils chez les patients souffrant d'hypertension, les données de la littérature ne vont pas forcément dans le sens de l'intérêt de la connexion par rapport au monitoring lui-même » (1), indique le médecin.

Diabeo, une application remboursée

« Pour le suivi des glycémies à distance, on dispose de données d'efficacité assez robustes, dont une étude publiée en 2016 dans PLOS Medicine (2) qui a démontré un bénéfice de l'automesure glycémique partagée sur l'hémoglobine glyquée », indique le Dr Hansel. Ces résultats ont ouvert la voie au remboursement par l'Assurance-maladie de la télésurveillance du patient diabétique déséquilibré sous insuline, dans le cadre du programme ETAPES (Expérimentations en télémédecine pour l'amélioration des parcours en santé). « C'est une expérimentation, mais elle est accessible à tous les patients concernés qui souhaitent y participer », précise le médecin.

En 2007, une méta-analyse publiée dans le JAMA (3) a démontré que, chez des patients atteints de pathologies chroniques, l'utilisation d'un podomètre avait un effet bénéfique sur l'augmentation du nombre de pas effectués chaque jour versus ceux qui n'en utilisaient pas. « Mais cet effet n'était évalué que durant quelques semaines voire quelques mois », souligne le spécialiste. Une autre étude, publiée en 2016 dans The Lancet Diabete & Endocrinology (4) a évalué l'effet de l'utilisation de bracelets connectés sur le nombre de pas effectués à long terme : un an après la fin de l'expérience, les patients n'étaient plus que 10 % à utiliser le bracelet connecté (cf. encadré). Pour le Dr Hansel, cependant, malgré l'absence d'effet démontré de ces dispositifs à long terme pour la plupart des patients, « il peut être utile de les proposer car ils seront bénéfiques à une petite partie d'entre eux ».

Les balances connectées, quant à elles, « ont démontré leur intérêt, mais uniquement dans le cadre de la télésurveillance de l'insuffisance cardiaque, indique le Dr Hansel. Pour les autres dispositifs, en revanche, je ne connais pas d'études qui valident leur efficacité à long terme ».

Le MG connecté

Proposer des objets connectés au patient, en dehors des situations telles que l’insuffisance cardiaque et le diabète dans le cadre de ce qui est remboursé, est une démarche qui doit donc plutôt être guidée par l'appétence du médecin pour les nouveautés. Si le généraliste n'est pas spécialement friand de ces outils, « il vaut mieux attendre de disposer de données d'efficacité plus solides, excepté pour le bracelet connecté compteur de pas qui devrait être proposé de façon systématique, estime le médecin. En dehors de cela, on ne peut pas affirmer qu'il est recommandé d'utiliser tel ou tel objet, mais il revient à chacun de se faire sa propre opinion selon son expérience », conclut le Dr Hansel.

(1) R J McManus et al., Lancet, DOI : 10.1016/S0140-6736(18)30309-X, 2018
(2) S H Wild et al., PLOS Medicine, DOI : 10.1371/journal.pmed.1002098, 2016
(3) DM Bravata et al., JAMA, DOI : 10.1001/jama.298.19.2296, 2007
(4) EA Finkelstein et al., Lancet Diabetes Endocrinol, DOI : 10.1016/S2213-8587(16)30284-4, 2016

Stéphany Mocquery
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Source : Le Quotidien du médecin: 9720