Perturbateurs endocriniens : les endocrinologues exhortent l'Europe à passer la vitesse supérieure

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Publié le 15/05/2023
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Crédit photo : Voisin/Phanie

La Société française d'endocrinologie (SFE), qui rappelle la dangerosité des perturbateurs endocriniens (PE), demande la révision immédiate du règlement Reach de 2007 sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et la restriction des substances chimiques.

Alors que les PE sont partout - alimentation, eau, air, plastiques, cosmétiques, pesticides, métaux lourds (plomb), etc. -, « rien ne limite notre exposition », déplore un communiqué de la société savante. L'an passé, la Commission européenne avait pourtant signé une feuille de route ambitieuse destinée à interdire des familles entières de toxiques.

C'est aux côtés de la Société européenne d'endocrinologie (ESE) et de 41 autres sociétés nationales et européennes que la SFE dénonce la lenteur du processus législatif à l'occasion de la deuxième édition de la journée des hormones ce 15 mai (« Hormone Day »).

« La révision de ce dossier législatif européen essentiel est indispensable pour consolider les progrès réalisés au niveau de l'Union européenne en vue de réduire la présence des perturbateurs endocriniens (PE) dans notre environnement », est-il expliqué. La SFE demande en particulier l'étiquetage des produits pour que la population puisse identifier les sources d'exposition et s'en protéger.

Contre-offensives de lobbies

« Diminuer l'exposition est une première étape, mais ne suffit pas comme l'a montré le cas du bisphénol A et de ses effets à très faibles doses (...), explique le Pr Nicolas Chevalier, endocrinologue au CHU de Nice. Pour cela, l'ensemble de la population doit pouvoir reconnaître les sources des PE et connaître leurs dangers respectifs. La mise en place d'un étiquetage comme prévu dans la SNPE 2 (NDLR : stratégie nationale sur les PE) est trop lente et fait l'objet de trop nombreuses contre-offensives de la part de certains lobbies. »

En France, même si l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a publié une liste de 906 substances à activité PE en avril 2021, les recommandations restent peu entendues.

Cancers, obésité, neurodéveloppement

« Les PE jouent un rôle prépondérant dans la hausse des cancers hormono-dépendants (sein, prostate, testicule, thyroïde), dans l'infertilité chez les hommes et les femmes, dans les maladies thyroïdiennes, et dans l'évolution rapide du nombre de patients en situation de diabète et/ou d'obésité, les deux pathologies étant elles-mêmes liées à un plus grand risque de cancers », est-il rappelé. L'Europe compte 200 000 nouveaux cas de cancers liés à l'obésité chaque année.

Les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement sensibles aux effets néfastes des PE, « et ceci dès le développement du fœtus, avec un risque plus élevé d'obésité, de diabète de type 2 et d'altération du développement neurologique (QI plus faible, autisme, trouble avec déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) », est-il précisé.

Pour la Pr Anne Barlier, endocrinologue au CHU de Marseille et présidente de la SFE, « l'Europe doit protéger ses citoyens en faisant preuve de politique volontariste au-delà de simples recommandations ». Quant à la France, elle doit être « un État moteur » en allant plus loin avec « la mise en place d'une SNPE 3 » et « l'application d'actions concrètes en adoptant les préconisations de l'Anses », réclame la présidente de la société savante.


Source : lequotidiendumedecin.fr