Rétinopathie diabétique

Peut-on attendre un bénéfice des traitements hypolipémiants sur l’œil ?

Publié le 25/03/2019
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rétinopathie

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Crédit photo : Phanie

Près d'un patient diabétique sur trois est concerné par la rétinopathie diabétique (RD) et, selon les dernières estimations, environ 100 millions de personnes en sont atteintes aujourd'hui dans le monde (2).

Si le bénéfice du contrôle glycémique et tensionnel sur le développement et la progression de la RD n'est plus à démontrer (3), l'impact des traitements hypolipémiants reste débattu. Le bénéfice d'un traitement par fénofibrate a bien été suggéré dans deux études randomisées, Field (4) et Accord-Eye (3), où la progression de la RD et la nécessité d'un traitement par laser étaient réduites sous fénofibrate vs. placebo, mais sans amélioration de l'acuité visuelle, qui constitue la véritable attente des patients. Ainsi, les niveaux de preuve apportés par ces deux études demeurent encore insuffisants pour proposer le fénofibrate en première intention chez un patient dyslipidémique atteint de RD, d'autant plus que ces patients, à haut risque cardiovasculaire (5), sont déjà traités par statines ou éligibles à ce traitement.

Des patients à haut risque cardiovasculaire

La question est donc de savoir si un traitement par statines, au-delà de son effet sur les anomalies lipidiques, apporte un bénéfice oculaire. Des résultats mitigés ont été observés dans de précédents essais aux faibles effectifs. Mais, une nouvelle étude, publiée dans Jama Ophthalmology, apporte une réponse positive (1). Elle vient en effet de démontrer qu'un traitement par statines réduirait de 14 % le risque de développer une RD chez les patients diabétiques de type 2 (DT2) dyslipidémiques, comparé à ceux n'en prenant pas (1). En outre, lorsqu'un traitement ophtalmologique était nécessaire, le nombre d'interventions était inférieur chez ceux traités par statines vs. non traités.

Ces données sont issues d'une étude de cohorte menée dans la population taïwanaise incluant les 1 648 305 patients DT2 enregistrés dans la base de données nationale de leur assurance maladie. Après appariement sur un score de propension, 18 947 patients DT2 traités par statines ont été comparés à un nombre équivalent non traités par statines. Durant le suivi moyen de 7,5 ans, l'apparition d'une RD était plus rare chez ceux traités par statines vs. non traités (10,6 et 12 %, respectivement). La survenue d'une complication menaçant la vue (hémorragie du vitré, décollement tractionnel rétinien, œdème maculaire) ou la nécessité d'un traitement (laser, injection intravitréenne, vitrectomie) étaient également réduites de près d'un tiers sous statines. En outre, le bénéfice s'accroissait à mesure que la puissance des statines et l'adhésion au traitement augmentaient. Le nombre d'évènements cardiovasculaires, de neuropathies ou d'ulcères de pied était aussi plus rare sous statine.

Service de Médecine interne, CHNO des Quinze-Vingts, Paris 
Déclaration d’intérêts : activités de conseils et/ou conférences sur invitation pour les laboratoires Allergan, Bayer, Lilly, Lifescan, Novartis, et la société Optic 2000.
(1) Kang EY et al. JAMA Ophthalmol. 2019 Jan 10. doi: 10.1001/jamaophthalmol.2018.6399.
(2) Yau JWet al. Diabetes Care 2012;35:556-64 ACCORD Eye Study Group et al. N Engl J Med. 2010;363:233-44
(3) Keech A et al. Lancet. 2005;366:1849-61 Xie J et al. JAMA Ophthalmol. 2017;135:586-93
(4) Tuuminen R et al. Acta Ophthalmol. 2014;92:675-81
(5) Nielsen SF et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2014;2:894-900

Dr Sylvie Feldman-Billard

Source : Bilan Spécialiste