Première édition du génome in utero pour traiter des souris atteinte de tyrosinémie héréditaire de type 1

Publié le 08/10/2018
in utero

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Crédit photo : PHANIE

Un des grands espoirs liés aux ciseaux moléculaires est de pouvoir manipuler le génome humain afin d’éviter ou de traiter des maladies monogéniques. Une telle approche a déjà été tentée in vitro, à des fins de recherche, sur des embryons humains porteurs de la mutation responsable de la bêtathalassémie, par exemple. Une nouvelle étape a été franchie aujourd’hui par une équipe américaine qui publie dans « Nature Medicine » ses travaux sur le souriceau in utero.

Forte mortalité à la naissance

Pourquoi envisager l’édition thérapeutique des gènes chez le fœtus ? Parce que ce dernier est immature d’un point de vue immunologique. Les études montrent notamment que le système immunitaire fœtal est incapable de repérer les vecteurs viraux nécessaires à cette approche. Par ailleurs, compte tenu du faible poids du fœtus, il est possible d’injecter une quantité proportionnellement plus grande de vecteurs viraux que chez le nouveau-né et de cibler les gènes délétères avant même que la maladie ne se déclenche. Enfin, cela permet d’envisager de traiter des maladies ayant une forte mortalité dès la naissance.

William Peranteau et ses collaborateurs de l’Hôpital pour enfants et de l’École de médecine Perelman de Philadelphie ont travaillé sur des souris modèles de la tyrosinémie héréditaire de type 1 (HT1). Dans cette maladie, qui début entre 15 jours et trois mois après la naissance chez l’homme, une mutation bloque le catabolisme de la tyrosine, provoquant une insuffisance hépatique sévère.

Pour rétablir cette voie métabolique, l’équipe a choisi d’utiliser des ciseaux moléculaires différents des CrispR-cas9 utilisés habituellement. Baptisés BE3, ils permettent de remplacer une base nucléique (C par exemple) par une autre (T) au niveau de l’ADN sans l’ouvrir, ce qui comporte moins de risque selon les auteurs. À cet outil, ils ont associé un ARN guide qui, comme son nom l’indique, est destiné à guider les ciseaux jusqu’à la portion d’ADN à modifier, en l’occurrence jusqu’au gène Hpd. L’inactivation de ce dernier permet d’éviter l’accumulation de tyrosine.

Arrêt du traitement

William Peranteau et coll. ont ainsi injecté à des fœtus de souris modèles de la tyrosinémie, dans leur 16e semaine de développement, soit des vecteurs viraux contenant un outil génétique sans effet (groupe contrôle), soit des vecteurs viraux contenant la construction BE3-ARN guide. Dans les cellules hépatiques de ce second groupe, les ciseaux moléculaires ont interverti des bases nucléiques de l’ADN murin, créant une mutation non-sens dans le gène Hpd. Cette modification a bloqué ce gène de façon permanente dans 15 % des cellules hépatiques, y rétablissant le catabolisme de la tyrosine.

À la naissance, les souriceaux des deux groupes ont reçu de la nitisinone, molécule qui prévient l’accumulation des métabolites. Puis ce traitement a été arrêté. Les souriceaux du groupe contrôle n’ont pas survécu au-delà de trois semaines tandis que tous les souriceaux modifiés génétiquement in utero ont survécu, sans traitement ultérieur. L’histologie de leur foie était normale. Aucun autre organe ne semble avoir été touché par l’édition du génome. Pour les auteurs, cette expérience réussie « constitue une preuve de la faisabilité de l’édition thérapeutique du génome in utero ».

 


Source : lequotidiendumedecin.fr