Hypospadias

Que sait-on des liens avec l’environnement ?

Publié le 24/11/2011
Article réservé aux abonnés

L’HYPOSPADIAS est l’une des malformations génitales les plus fréquentes chez l’homme. Elle est présente dès la naissance, n’évolue pas et peut être associée à une cryptorchidie, ou non. Dans 3 à 5 % des cas, la cause est génétique et endocrinienne – par exemple, il peut s’agir d’un syndrome d’Orpitz, surtout face à une forme moyenne ou postérieure - et c’est pourquoi l’avis d’un endocrinologue s’impose aussitôt après l’annonce du diagnostic. Mais dans plus de 95 % des cas, aucune cause n’est retrouvée. L’opération permet de corriger la malformation, mais ne répond pas à l’inquiétude des parents de savoir « pourquoi ».

Des causes probablement multifactorielles.

« Des enquêtes chez l’animal suggèrent des associations entre perturbateurs endocriniens et malformations génitales dont l’hypospadias : c’est ce qui s’est passé pour des alligators exposés accidentellement au DDT, après contamination d’un lac aux États-Unis. Et des études menées chez la souris ont rapporté que lorsque les femelles gestantes étaient exposées à la vinclozoline (un traitement du vignoble), des malformations du pénis étaient retrouvées chez les souriceaux pendant trois générations, avec une descendance plus faible que la moyenne. La question est donc de savoir s’il peut en être de même chez l’homme. Cette question est d’autant plus légitime que chez les femmes agricultrices, exposées durant leur grossesse à des pesticides dotés d’une action anti-androgène, des cas d’hypospadias ont été notés » précise le Dr Esterle.

Plusieurs études ont permis d`établir que la période à risque, durant la grossesse, se situait entre la 8e et la 14e semaine. On sait également que pour les hommes dont les grands-mères ont reçu du distilbène dans les années 1960, le risque d’hypospadias est accru et que ce « surrisque » retombe à zéro à partir de la 3e génération. Pour le reste, on manque d’informations et les questions sans réponses sont encore nombreuses. « Par exemple, une enquête de l’InVS de 1998 à 2008 a bien montré que les taux les plus élevés d’interventions pour hypospadias sont retrouvés dans l’Est, en région PACA, Rhône-Alpes, en Alsace et en Île-de-France et moins en Basse-Normandie ou Limousin, sans que l’on sache expliquer pourquoi » poursuit le Dr Esterle.

Une enquête française en cours.

C’est justement pour tenter de répondre à ces questions qu’une vaste enquête a débuté auprès des mères ayant eu un petit garçon né avec un hypospadias (PHRC 2011, coordonné par Pierre Bougnères, Pierre Mouriquand et Alain-Jacques Valleron). « Nous avons déjà récupéré quelque 9 000 adresses correspondant au lieu de vie, durant la grossesse, de mères concernées : elles vont être comparées à de nombreuses bases de données environnementales existantes (sur la présence d’un incinérateur à proximité, sur la pollution de l’eau et de l’air, etc.) pour voir si des liens peuvent être ainsi établis. Des résultats préliminaires devraient être connus durant 2013. Ensuite, l’analyse des questionnaires s’appuyant sur une approche à l’aveugle se fondant sur des données recueillies (« data-driven ») et ne nécessitant donc aucune hypothèse a priori sur aucun agent environnemental, va pouvoir débuter. Ces questionnaires sont remplis par les mères qui le souhaitent, concernant leur mode alimentaire durant la grossesse, les médicaments pris, l’exposition au tabac, aux ondes électromagnétiques, aux champs traités, etc. Nous espérons ainsi en savoir plus sur les causes multifactorielles de l’hypospadias et surtout, pouvoir en tirer des conseils pratiques à l’attention des femmes enceintes de petits garçons, pour diminuer ce risque à l’avenir » conclut le Dr Esterle, à qui tout médecin peut adresser les coordonnées de parents concernés et acceptant de participer à cette étude unique en France (laure.esterle@inserm.fr).

D’après un entretien avec le Dr Laure Esterle, hôpital Saint- Vincent-de-Paul, Inserm U986, service d’endocrinologie pédiatrique, Paris.

 Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes