Commercialisés mais non remboursés

Quelle place pour les capteurs de glucose ?

Publié le 24/11/2011
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LES CAPTEURS de glucose donnent une estimation de la glycémie en continu et non pas la glycémie elle-même. « En effet, d’une taille à peine plus grosse qu’un cheveu, ils sont recouverts d’une enzyme – la glucose oxydase – qui permet de mesurer le taux de glucose dans le liquide interstitiel. Or ce dernier vaut environ les deux tiers de la glycémie et peut varier d’une personne et d’un moment à l’autre. C’est pourquoi il est nécessaire de faire un contrôle au bout du doigt pour avoir la glycémie à un temps donné et de la rapporter au taux trouvé par le capteur. Le rapport entre les deux taux étant ainsi déterminé, la conversion en glycémie devient facile et est réalisée directement par le moniteur auquel est relié le capteur. Seule contrainte : il faut réitérer cette opération d’étalonnage une fois par jour, parfois deux ou plus, en cas de demande affichée par le moniteur » explique le Pr Éric Renard.

Commercialisés mais non remboursés.

Les capteurs sont utilisés dans deux indications : la première est à visée diagnostique, face à un malade qui présente un équilibre insuffisant de son diabète, avec un taux d’hémoglobine glyquée élevé (supérieur à 8 %) ou une discordance entre le taux d’hémoglobine glyquée (trop élevé) et les contrôles glycémiques (plutôt bons). La pose du capteur pendant 5 à 7 jours, avec un enregistrement des données (à l’aveugle c’est-à-dire sans que le malade en ait connaissance) permet alors de mieux cibler les moments de la journée ou de la nuit durant lesquels la glycémie est mal contrôlée. Les résultats de cet examen, encore appelé « holter glycémique », permettent d’expliquer au patient quand surviennent les écarts et, surtout, de l’éduquer, de telle sorte que ces écarts ne se reproduisent plus ou soient minimisés.

La seconde indication est l’utilisation permanente des capteurs, en complément des contrôles glycémiques. « Des seuils sont fixés – le maximum et le minimum à ne pas franchir – et lorsqu’ils sont atteints, un signal est envoyé au malade qui doit alors contrôler sa glycémie au bout du doigt et prendre si nécessaire les mesures qui s’imposent pour la corriger. Lorsque le capteur est ainsi employé à visée thérapeutique, il peut être couplé à une pompe à insuline (mais c’est alors au malade de modifier lui-même sa dose d’insuline en conséquence). Cette deuxième indication pose un souci en France en raison de son prix de revient élevé (de l’ordre de 50 € par semaine), alors qu’aux États-Unis et en Suède, la prise en charge est totale, note le Pr Renard. Il n’y a en effet que deux financements possibles dans notre pays : soit par le budget des hôpitaux, soit par les malades eux-mêmes (ou avec l’aide d’associations) ».

Un niveau de preuves pourtant élevé.

Plusieurs études ont pourtant prouvé l’intérêt de ces capteurs, notamment lorsqu’un patient présente un taux d’hémoglobine glyquée élevé de façon durable, qu’il accepte de porter le capteur au moins 70 % de son temps et qu’il sait comment réagir en fonction des données du capteur. De nouvelles recommandations écrites par les Sociétés Françaises de Diabétologie et d’Endocrinologie tiennent compte de l’intérêt des capteurs de glucose dans l’éducation thérapeutique des patients difficiles à contrôler : « nous espérons qu’elles pourront peser en faveur du remboursement, d’autant que le coût d’un patient mal équilibré pour son diabète peut être très élevé du fait des complications, souligne le Pr Renard. Par ailleurs, même si cela n’a pas été démontré, il est évident que les malades faisant des hypoglycémies graves (avec comas et hospitalisations) en tirent un réel bénéfice ».

Si les capteurs représentent une innovation thérapeutique importante, il reste cependant encore à en améliorer certains points pour les rendre plus acceptables, surtout lorsqu’ils doivent être portés au long cours. « Le problème le plus gênant au quotidien est le déclenchement d’une alarme par exemple à la suite d’un choc minime ou d’un changement de position. Il y aurait ainsi jusqu’à 20 % de fausses alertes, ce qui pose problème surtout la nuit ou dans la vie professionnelle. S’y ajoute la contrainte d’avoir sur soi le moniteur (de la taille d’un téléphone portable). Néanmoins, avec les progrès de la technologie, ces problèmes seront résolus à terme et il est probable que les capteurs de glycémie supplanteront un jour la glycémie au doigt, hormis pour les contrôles d’étalonnage » conclut le Pr Renard. C’est juste une question d’années !

D’après un entretien avec le Pr Éric Renard, coordinateur du pôle endocrinologie – diabétologie – nutrition du CHU de Montpellier.

 DR Nathalie Szapiro

Source : Bilan spécialistes