Ils retardent la maladie chez le rat

Une nouvelle approche dans le diabète, des antisens anti-apoCIII

Publié le 17/06/2011
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LORS DE TRAVAUX antérieurs, les chercheurs de l’Institut Karolinska avaient mis en évidence que le sérum de certains patients diabétiques induit une augmentation de l’activité des canaux calciques voltage-dépendants au niveau des cellules bêta du pancréas, ce qui se traduit par une augmentation du calcium libre au sein du cytoplasme et conduit à une apoptose. Cette action cytolytique était liée à des concentrations élevées en apoCIII chez ces patients.

Aujourd’hui, l’équipe de Lisa Juntti-Berggren confirme cette découverte in vivo, chez des rats DPBB (Diabetes-Prone BB rats) qui développent spontanément un D1 proche du diabète humain vers l’âge de 60 jours, et chez des rats contrôles DRBB (Diabetes-Resistant BB rats). Trois groupes de rongeurs ont été étudiés à différents âges : 40, 50 et 60 jours. La mesure de l’évolution des ions calcium au niveau des cellules d’ilots pancréatiques mises en présence de sérums d’animaux prédiabétiques indique que près de 60 % (30 sur 51) des sérums issus de rats DPBB de 60 jours, soit une proportion significativement supérieure par rapport aux rats de 40 et 50 jours, entraîne une activation des canaux calciques voltage-dépendants lors d’une dépolarisation induite par du chlorure de potassium. On observe, parallèlement, une augmentation de l’apoCIII chez cette catégorie de rats.

Des rongeurs prédiabétiques.

Les auteurs ont ensuite évalué les effets du traitement des rongeurs prédiabétiques par un antisens anti-apoCIII administré à partir de l’âge de 12 jours et jusqu’à l’âge de 40 jours. La réduction des concentrations en apoCIII se traduit par une extension de la période sans diabète, ce qui confirme le rôle de cette molécule dans l’apoptose des cellules bêta et, par conséquent, dans le D1. Le déclenchement du diabète est retardé de 40 jours (93 jours vs 56 jours chez les contrôles), en moyenne, ce qui correspondrait, chez l’homme, à repousser la survenue de la maladie de plusieurs années et permettrait donc de réduire de manière significative le risque de développement de complications du diabète.

Chez certains animaux, des effets secondaires (splénomégalie) sont apparus. Ces derniers n’étaient plus observés lorsque la durée du traitement était raccourcie. Les auteurs envisagent ultérieurement de tester l’administration de l’antisens en bolus intermittents.

Le cas de Juifs ashkénazes centenaires.

L’action délétère de l’apolipoprotéine CIII sur les cellules bêta du pancréas est donc maintenant confirmée in vivo. Le fait qu’un antisens anti-apoCIII permet d’allonger la période pendant laquelle des rats prédiabétiques demeurent indemnes de la maladie est d’autant plus intéressant quand on le rapproche de l’observation, dans un groupe de Juifs ashkénazes centenaires, d’une prévalence élevée de l’allèle 641C au niveau du promoteur du gène de l’apoCIII, un génotype associé à des concentrations circulantes en apoCIII basses (Atzmon et coll., 2006). Ces centenaires avaient, outre un meilleur profil lipoprotéique, une sensibilité accrue à l’insuline et une faible incidence d’hypertension artérielle. L’abaissement des taux d’apolipoprotéine CIII pourrait donc avoir de multiples avantages chez les personnes à risque de diabète ou de maladies cardio-vasculaires.

R Holmberg, L Juntti-Berggren et coll. Lowering apolipoprotein CIII delays onset of type 1 diabetes. Proc Natl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8984