Intolérance digestive extrême à la metformine

Une prédisposition génétique

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Publié le 09/02/2017
Intolérance digestive

Intolérance digestive
Crédit photo : Phanie

On a récemment évoqué des variations notables de réponse à cet antidiabétique comme, par exemple, l’existence de faibles répondeurs à l’effet préventif de la metformine dans l’étude DPP, étude de prévention du passage de prédiabète à diabète de type 2 (DT2) [1]. Par ailleurs, le principal effet indésirable de ce traitement est d’ordre gastro-intestinal (GI) : douleurs abdominales, flatulences et diarrhées. Il affecterait 30 % des patients et limiterait l’adhésion à cette thérapeutique. Chez 5 % des patients recevant de la metformine, les symptômes GI sont intolérables et imposent l'abandon du traitement. On parle alors d’intolérance extrême. 

Un mécanisme non élucidé

Plusieurs hypothèses mécanistiques ont été proposées pour tenter d’éclaircir la raison de cet effet, parmi lesquelles : la libération induite par la metformine de sérotonine au niveau intestinal, une absorption réduite des sels biliaires, des taux élevés de GLP1 et plus récemment des changements du microbiote intestinal. Les effets secondaires de la metformine pourraient être liés à des concentrations très élevées de la molécule dans le tractus GI. Une équipe européenne (Bosnie et Ecosse) a récemment publié plusieurs articles sur ses travaux dédiés à la recherche d’une éventuelle prédisposition génétique pouvant expliquer ces intolérances extrêmes. Elle a précédemment montré que des allèles, ayant une fonction réduite et régulant les transporteurs de cations 1 (OCT1), sont associés à une intolérance accrue à la metformine. Des résultats récents d’autres équipes montrent que le transporteur de la recapture de la sérotonine (SERT) pourrait agir sur l'absorption intestinale de la metformine. 

Rôle déterminant de la génétique

Dans la mesure où le rôle de la sérotonine dans la physiologie gastro-intestinale est démontré, les deux mécanismes pourraient contribuer à expliquer l’existence chez certains individus prédisposés d’une intolérance extrême à cet antidiabétique. Ainsi, une nouvelle étude a comparé 164 individus présentant une intolérance très sévère et 1 356 patients atteints de DT2 tolérants à la metformine (2). Des différences phénotypiques et génotypiques ont été constatées. Il existait également entre les deux groupes des différences clinicobiologiques (IMC, âge, genre, taux d’HbA1c, clairance de la créatinine), certes statistiquement significatives, mais pas suffisamment explicites pour permettre au clinicien d’anticiper la situation (pas même les doses de metformine reçues). Pour la première fois, les résultats de cet essai ont pu établir un lien entre les deux pistes. Ils démontrent que le génotype SERT et l'interaction entre les gènes OCT1 et SERT, jouent probablement un rôle déterminant dans l'intolérance GI à la metformine. D'autres études seront nécessaires toutefois pour confirmer ces hypothèses. 

Améliorer la décision thérapeutique grâce aux biomarqueurs

Cet exemple, parmi d’autres, démontre que le recours à des indicateurs, qu’il s’agisse de marqueurs biologiques classiques ou nouveaux (omiques en tous genres) ou encore génétiques, sera demain mieux cerné et aidera à la décision thérapeutique. En effet, ceci permettra de choisir le bon traitement pour la bonne personne sans perdre de temps avec l’attente des résultats, sans empilement thérapeutique inutile et lourd, sans suivre des recommandations nécessairement généralistes. De plus, tout ceci est à l’origine de dépenses de santé importantes et inutiles ! On en viendra sûrement dans les années à venir à une médecine de précision, en particulier dans la prise en charge du DT2, maladie très hétérogène et évolutive à long terme. Cette évolution incitera à plus de précision dans nos choix thérapeutiques.

(1) Program Research Group. Common variants in 40 genes assessed for diabetes incidence and response to metformin and lifestyle intervention in the Diabetes Prevention Program. Diabetes 2010;59:2672-81
(2) Dujic T, Zhou K, Tavendale R, Palmer CN, Pearson ER. Effect of Serotonin Transporter 5-HTTLPR Polymorphism on Gastrointestinal Intolerance to Metformin : A GoDARTS Study. Diabetes Care. 2016 Nov;39(11):1896-1901

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr