Don du sang : fin de l’exclusion permanente des homosexuels

Publié le 04/11/2015

Crédit photo : Phanie

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, vient d’annoncer la révision prochaine de l’arrêté de 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang. Exclus depuis 1983 du dispositif, les hommes qui ont eu des relations sexuelles avec des hommes (HSH) pourront désormais être donneurs sous certaines conditions.

Il faudra encore attendre pour que la mesure devienne concrète, jusqu’en juin prochain vraisemblablement, mais la décision est entérinée.

De mai à octobre, la Direction Générale de la Santé (DGS) a réuni trois plénières et plusieurs réunions bilatérales de concertation avec les associations de donneurs et de patients, ainsi qu’avec celles qui défendent les droits des homosexuels. Le Pr Benoît Vallet, directeur de la DGS, avoue que « tout le monde n’est pas tombé d’accord au terme des discussions », mais qu’« un compromis a pu être dégagé ».

Ajournement de 12 mois après le dernier rapport HSH pour le don de sang total

Le document remis mardi 3 novembre à la presse par la DGS indique que le scénario adopté combine deux approches : « Passage de l’ajournement permanent des HSH à un ajournement de 12 mois après le dernier rapport HSH concernant le don de sang total et d’aphérèse, associé à la création d’une filière spécifique de collecte de plasma par plasmaphérèse (en vue de produire du plasma sécurisé par quarantaine) accessible aux HSH monopartenaires au cours des 4 derniers mois, ainsi qu’aux HSH n’ayant pas eu de rapport HSH au cours des 4 derniers mois. »

Parmi les 5 scénarios discutés lors des réunions, celui qui a été adopté est le seul à avoir recueilli l’approbation de 5 associations dont AIDES, Inter LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) et l’Association française des hémophiles (AFH). Certaines se sont prononcées pour le maintien du statu quo ou ont plébiscité des scénarios différents. D’autres enfin ont rejeté l’ensemble des propositions, à l’instar d’Act Up ou de SOS Homophobie, qui sont opposées par principe à des critères de groupes à risque ou de sélection.

Pas d’augmentation du risque transfusionnel VIH

Selon les autorités de santé, le délai d’ajournement de 12 mois après le dernier rapport sexuel HSH « est le seul pour lequel il a été possible de quantifier le risque transfusionnel VIH », en raison de l’existence de données épidémiologiques nationales et internationales. La DGS rappelle à cet effet qu’ « il n’y a pas, à ce stade, de données suffisantes pour démontrer l’absence d’augmentation du risque transfusionnel VIH pour des délais d’ajournement inférieurs à 12 mois ».

Par ailleurs, si l’on applique les taux de non-compliance en cas d’ajournement de 12 mois publiés dans la littérature internationale, le risque transfusionnel VIH en France serait au maximum très proche du risque actuel. Enfin, les données émanant de pays comme l’Australie ou l’Angleterre, qui sont passés d’un ajournement permanent à un ajournement de 12 mois, montrent qu’il n’y a pas d’augmentation du risque transfusionnel VIH.

Un potentiel de 40 000 dons supplémentaires

« La France a besoin de 3 millions de produits sanguins tous les ans », rappelle François Toujas, président de l’Établissement français du sang (EFS). Une projection réalisée d’après l’enquête « Contexte de la sexualité en France », menée en 2006 par l’INSERM, indique que, parmi les 800 000 hommes donneurs potentiels qui ont déjà eu une relation HSH dans leur vie, 500 000 n’ont pas eu de relation de ce type au cours des 12 derniers mois. Une fois appliqué « l’indice de générosité au don », estimé à 4 % pour le don de sang total, ce sont 21 000 donneurs potentiels, soit 37 000 dons annuels que va permettre la révision des critères de sélection. Concernant la filière plasma sécurisée, 800 donneurs supplémentaires correspondant à 2 500 dons sont évoqués.

« Le travail sur l’arrêté de 2009 n’est pas terminé », indique le Pr Vallet puisqu’il reste par exemple à élaborer le nouveau questionnaire pré-don et à effectuer un gros travail d’information et de communication auprès du grand public.

Par ailleurs, la mise en œuvre d’un travail de réévaluation qui mesurera notamment l’absence d’aggravation des données de non compliance et l’évolution du pourcentage de dons VIH+ résultant d’une contamination récente, ainsi que le pourcentage de séroconversions est d’ores et déjà programmé. Si les données sont probantes, les règles qui s’appliqueront désormais aux HSH pourraient être rapprochées des règles générales dans un futur très proche.

Benoît Thelliez

Source : lequotidiendumedecin.fr