Exclusion des homosexuels du don du sang : la Cour européenne demande à la France d’examiner des alternatives moins contraignantes

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Publié le 29/04/2015

Crédit photo : S TOUBON

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) indique, dans son arrêt du 29 avril 2015, que l’exclusion permanente des homosexuels du don du sang ne se justifie - pour protéger la santé des receveurs - qu’à condition qu’« il n’existe pas de techniques efficaces de détection de ces maladies infectieuses ou, à défaut de telles techniques, de méthodes moins contraignantes qu’une telle contre-indication ».

Après l’avis de son procureur général rendu en juillet, la CJUE se prononce officiellement dans l’affaire opposant Geoffrey Léger contre le ministère de la Santé et de l’Établissement français du sang (EFS).

En 2009, le médecin responsable de la collecte de sang, à l’EFS de Metz, a refusé à Geoffrey Léger de donner son sang, au motif qu’il avait eu une relation sexuelle avec un homme. Geoffrey Léger avait porté l’affaire devant le tribunal administratif de Strasbourg qui avait décidé de surseoir à statuer. Elle avait saisi le CJUE pour savoir si les relations sexuelles entre hommes présentent un comportement sexuel justifiant une exclusion permanente des homosexuels du don du sang, comme l’indique l’arrêté français du 12 janvier 2009, ou si elles justifient une exclusion temporaire, comme on pourrait le lire dans la directive européenne 2004/33 de 2004.

Principe de proportionnalité pas forcément respecté

La Cour estime que « l’arrêté du 12 janvier 2009 est susceptible de comporter à l’égard des personnes homosexuelles, une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ».

Elle prend note des arguments avancés par le gouvernement pour justifier l’exclusion permanente. Il y aurait, selon les autorités nationales mais aussi européennes, une spécificité épidémiologique française, avec une population homosexuelle particulièrement touchée par le VIH. Selon l’Institut de veille sanitaire français (InVS), entre 2003 et 2008, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes représentent 48 % de nouvelles contaminations. Le taux d’incidence du VIH est de 1 % par an, soit 200 fois supérieur à celui de la population hétérosexuelle française.

La Cour estime dans un premier temps que la France doit s’assurer que ces données sont toujours pertinentes. Ensuite, en supposant que tel soit le cas, et que l’exclusion prévue par la France contribue à réduire le risque de transmission d’une maladie infectieuse, la Cour juge que le principe de proportionnalité pourrait ne pas être respecté. « Les mesures prévues par la législation nationale ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation », lit-on.

Opter pour les mesures les moins contraignantes

La Cour estime que la position française n’est justifiée que si la protection des receveurs ne peut pas être assurée par des techniques efficaces de détection du VIH et moins contraignantes que l’interdiction permanente du don de sang des homosexuels.

Il appartient ainsi à la France de vérifier s’il n’existe pas des méthodes de dépistages efficaces et soutenables financièrement, notamment par rapport à la « fenêtre silencieuse », comme la mise en quarantaine systématique des dons émanant des hommes ayant des rapports avec d’autres hommes, ou la détection systématique du VIH pour tous les dons de sang.

En l’absence de telles techniques, la France doit aussi examiner si le questionnaire et l’entretien préalable au don peuvent identifier plus précisément les comportements présentant un risque pour les receveurs, « afin d’établir une contre-indication moins contraignante qu’une contre-indication permanente » pour toute une population. La France doit notamment « vérifier si des questions ciblées concernant le délai écoulé depuis le dernier rapport sexuel par rapport à la durée de la fenêtre silencieuse, le caractère stable de la relation de la personne concernée ou le caractère protégé des rapports sexuels permettraient d’évaluer le niveau de risque que présente chaque donneur ».

Une réunion fin mai pour un nouveau questionnaire et arrêté

La ministre de la Santé Marisol Touraine annonce une réunion à la fin du mois de mai avec l’ensemble des associations et des parties prenantes pour « proposer un nouveau questionnaire et un nouvel arrêté, organiser une meilleure information du donneur et promouvoir l’information générale autour du don en France ».

Lors des débats sur la loi de santé, la ministre avait déjà soutenu un amendement UDI réclamant la fin des discriminations relatives à l’orientation sexuelle des donneurs - mais sans portée pratique, car le sujet est d’ordre réglementaire.

Suivant les préconisations du groupe d’experts de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l’Institut de veille sanitaire (InVS), elle plaide pour supprimer toute référence à l’orientation sexuelle dans le questionnaire, ne citer que des comportements sexuels à risque, et substituer à l’exclusion définitive une exclusion temporaire de douze mois après le dernier comportement à risque.

Coline Garré

Source : lequotidiendumedecin.fr