Transplantation hépatique

Greffons après arrêt circulatoire : supériorité de la perfusion hypothermique

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Publié le 30/04/2021
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D'après des Néerlandais, la perfusion hypothermique oxygénée pour les greffons hépatiques issus de donneurs décédés après arrêt circulatoire permet de limiter les complications biliaires chez les receveurs.
Les greffons après arrêt circulatoire souffrent d’une ischémie chaude supplémentaire

Les greffons après arrêt circulatoire souffrent d’une ischémie chaude supplémentaire
Crédit photo : Phanie

Selon l'essai Dhope-DCD* paru dans le « New England Journal of Medicine », le fait de placer les greffons hépatiques issus de donneurs décédés après arrêt circulatoire dans une machine de perfusion hypothermique oxygénée permet de réduire le risque de complications biliaires par rapport à une conservation statique conventionnelle au froid.

De précédentes études avaient suggéré un bénéfice de cette technique, mais aucun essai randomisé n'avait été réalisé jusque-là. Pour le Pr Robert Porte, auteur senior de l'étude, la perfusion hypothermique oxygénée doit désormais être la norme en cas de transplantation avec greffon après arrêt circulatoire.

« Malgré la pénurie continue d’organes, de nombreux centres de transplantation hésitent à accepter ces foies pour leurs patients sur liste d’attente en raison du risque élevé de sténose biliaire non anastomotique, de morbidité ultérieure et du risque de rejet précoce de greffe », indique-t-il au « Quotidien ». Et pour cause, une sténose biliaire non anastomotique est rapportée chez près de 30 % des patients qui ont reçu ce type de greffons, selon le professeur de chirurgie au centre médical universitaire de Groningen aux Pays-Bas.

Ce risque est lié à l'ischémie chaude supplémentaire que subissent ces foies entre l’arrêt circulatoire et la perfusion. « Les voies biliaires du foie sont très sensibles à cette ischémie chaude, et la lésion causée par l’ischémie-reperfusion pendant la procédure de transplantation est la principale cause de sténose biliaire non anastomotique », précise Robert Porte.

Un risque diminué de deux tiers

Deux types d'approche de machines à perfusion ex situ sont actuellement évalués : la perfusion hypothermique oxygénée (1 à 10°C) et la perfusion normothermique (35 à 38°C). Toutefois, précise-t-il, la perfusion normothermique est plus complexe et les études n'ont pas démontré son intérêt à ce jour. « La technologie des machines à perfusion pour les organes donneurs évolue rapidement », constate le Pr Porte.

Dans cet essai prospectif mené dans six centres européens, 78 patients ont reçu un greffon perfusé en condition hypothermique et 78 un foie après conservation statique à froid (groupe contrôle). À noter que quatre patients n'ont finalement pas été greffés. Le critère d’évaluation principal était l’incidence des sténoses biliaires non anastomotiques dans les six mois suivant la transplantation. Et les critères secondaires concernaient d'autres complications liées au greffon ou bien générales.

« Notre étude fournit la première preuve scientifique convaincante que le risque de sténose biliaire non anastomotique après une transplantation hépatique peut être réduit d’environ deux tiers lorsque le greffon bénéficie d'une période de deux heures de perfusion hypothermique oxygénée avant la greffe », résume le Pr Porte.

Des sténoses biliaires non anastomotiques sont en effet survenues chez 6 % des patients du premier groupe et chez 18 % des témoins (risque relatif [RR] : 0,36). De plus, seuls 12 % des patients ayant bénéficié de greffon perfusé de façon hypothermique ont développé un syndrome post-reperfusion contre 27 % dans le groupe contrôle (RR : 0,43). Et un dysfonctionnement précoce de la greffe est survenu pour 26 % des foies perfusés par la machine oxygénée, contre 40 % des foies témoins (RR : 0,61).

Mortalité élevée sur les listes d'attente

« Nous avons observé un nombre presque quatre fois inférieur d’interventions post- transplantation pour les sténoses biliaires non anastomotiques et les complications liées à ces sténoses, par rapport aux foies qui ont été conservés classiquement au froid », ajoute le Pr Porte. Par ailleurs, l’incidence des effets indésirables était similaire entre les deux groupes.

« La perfusion hypothermique oxygénée des foies de donneurs après arrêt circulatoire permet ainsi d’éviter beaucoup de complications chez les receveurs, ce qui devrait faire en sorte que les médecins acceptent davantage ces foies pour leurs patients », estime le chirurgien, pour qui la mortalité reste élevée pour les patients sur liste d'attente dans la plupart des pays (20 % aux Pays-Bas).

*Essai Dhope-DCD : Dual Hypothermic Oxygenated Perfusion of Donation after Circulatory Death Liver Grafts in Preventing Nonanastomotic Biliary Strictures after Transplantation. R. van Rijn et al., N Engl J Med, 2021. DOI: 10.1056/NEJMoa2031532

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin