Au congrès de l’association européenne pour l’étude du foie

La fin de l’hépatite C passe par une augmentation de la proportion de malades traités

Publié le 14/04/2014
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Crédit photo : Phanie

Les hépatites tuent dix fois plus que le VIH en Europe. C’est ce qu’ont révélé les dernières données de la Global Burden of Disease Study 2010, présentées lors du congrès de l’Association européenne pour l’étude du foie (EASL).

Avec 57 000 décès liés au virus de l’hépatite C et 31 000 à celui de l’hépatite B, les décès par hépatites dépassent largement les 8 000 patients morts des suites d’une infection par le VIH. Lors de la présentation, le Dr Laurent Castera, hépatologue à l’hôpital Beaujon de Clichy et vice secrétaire de l’EASL, a estimé que ces résultats devaient inciter à faire de la lutte contre les hépatites une priorité en Europe.

La modélisation de l’infection

Menée dans 15 pays, une modélisation de l’évolution du nombre de patients infectés montre qu’une élimination de l’hépatite C est envisageable à l’horizon 2030, mais qu’il faudra pour cela impérativement augmenter la proportion de patients traités parallèlement à l’amélioration des traitements qui, seule, ne suffira pas. Selon Graham Foster, le rédacteur en chef du « Journal of Viral hepatitis » où les résultats de cette collaboration internationale ont été publiés, « seulement 3 % des personnes infectées sont actuellement traitées. La recherche montre que traiter ne serait-ce 10 % de la population diagnostiquée par an pourrait conduire à l’élimination du virus. » En France, ce sont les cliniciens du service d’ hépato-gastroentérologie de l’Hôpital Henri Mondor, à Créteil, qui ont participé à l’étude. Ils ont constaté que le taux de malades traités était plus important que la moyenne des autres pays : 5,2 %. Le nombre total d’infections devrait y diminuer de 97 % d’ici à 2030, portant à 6 200 le nombre de cas. Parallèlement à cela, le nombre d’hépatites C chroniques devrait diminuer de 93 %.

D’autres travaux de modélisation portant sur la population plus particulière des consommateurs de drogues injectables ont été présentés lors de ce même congrès par Anthony Cousien de l’unité INSERM U1137. Les données épidémiologiques nécessaires à cette modélisation provenaient principalement des études ANRS-Coquelicot menées en 2004 et 2011. Les chercheurs ont commencé par bâtir un scénario basé sur la situation actuelle. À partir de cette situation initiale, les auteurs ont cherché à savoir ce qui se passerait si l’on améliorait divers paramètres comme le délai de dépistage de la maladie, de celui entre le diagnostic et le début du traitement, ou encore en réduisant le taux de perdus de vue. De tous ces scénarii, le raccourcissement du délai entre dépistage et initiation du traitement est ressorti comme étant la plus efficace.

L’instrauration d’un traitement précoce divise la prévalence et l’incidence par deux, comparée aux autres stratégies. L’efficacité pourrait être encore améliorée de 30 % dans une situation idéale où tous les autres paramètres son améliorés.

Des traitements plus courts

Par ailleurs, les études de phases III valident les nouvelles associations thérapeutiques sans interféron. Ainsi, une étude menée sur 855 patients par Jordan Field, de l’université de Toronto, et ses collègues, a montré l’efficacité en première intention contre placebo d’un comprimé développé par Ananta et AbbVie contenant plusieurs molécules : inhibiteur de protéase ABT-450 plus ombitasvir et inhibiteur de NS5A dasabuvir. Ce comprimé était pris en combinaison avec de la ribavirine. Au bout de 12 semaines, 96,2 % des patients traités développent une réponse virologique soutenue, pour un taux d’arrêts de traitement dus à des effets secondaire de 0,6 %, comparables à ceux observés dans le groupe placebo.

Une autre étude de phase III a confirmé l’intérêt de l’association des inhibiteurs de la polymérase nucléotidique, sofosbuvir et du ledipasvir (tous les deux développés par Gilead-Sciences). La nouvelle étude présentée par Kris Kowdley (Seattle) démontre que le traitement peut être réduit à 8 semaines sans perte en efficacité. Les patients, naïfs de tout traitement et ne présentant pas de cirrhose, ont une réponse virologique soutenue dans 94 % des cas contre 95 à 100 % dans les études précédentes portant sur 12 semaines. Les auteurs précisent qu’à huit semaines, l’ajout de ribavirine ne présente pas de bénéfice statistiquement détectable.

Enfin, le Dr Christina Dargel de l’université de Munich a apporté la preuve de concept d’une immunothérapie dirigée contre les carcinomes hépatocellulaires. L’antigène GPC3 a la particularité d’être exprimé à la surface des cellules cancéreuses de 60 % des patients atteint de ce type de carcinome, et de n’être jamais présent à la surface les cellules normales. Les chercheurs ont, dans un premier temps, identifié le marqueur HLA qui correspond au GPC3, puis s’en sont servis pour sélectionner et amplifier in vitro une lignée de lymphocytes T CD8+ capables de reconnaître le GPC3. Mis dans le même milieu de culture que des cellules tumorales et normales, cette lignée de lymphocyte T attaquaient spécifiquement les cellules tumorales, et épargnaient les autres.

*Allemagne, Autriche, Australie, Belgique, Brésil, Danemark, Égypte, Espagne, France, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9318