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Maladie de Crohn (2) : les éléments du diagnostic

Publié le 12/01/2011
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1) Aspects cliniques

1.1) La MC survient volontiers en fin d’adolescence et chez l’adulte jeune. Elle touche autant les femmes que les hommes.

1.2) Les symptômes sont dépendants du siège de la maladie sur le tube digestif (qu’elle peut toucher sur toute sa longueur) et de la sévérité des lésions.

1.3) Le ou les symptômes suivants sont fréquents :

- diarrhée évoluant sur plus de 6 semaines,

- douleurs abdominales,

- signes généraux : amaigrissement et/ou anorexie et/ou fièvre.

1.4) La présence de glaires et/ou de sang dans les selles s’observe chez 40 % à 50 % des patients en cas de localisation colique de la maladie.

1.5) Des manifestations extra-intestinales (qui précèdent parfois les signes digestifs) sont possibles :

- articulaires, les plus fréquentes (rachis, sacro-iliaques, articulations périphériques),

- oculaires (dont l’uvéite, potentiellement grave),

- cutanées (dont l’érythème noueux et le pyoderma gangrenosum).

1.6) Une fistule péri-anale est présente chez 10 % des patients au moment du diagnostic. Elle peut représenter la plainte principale du patient.

2) Comment poser le diagnostic ?

2.1) Il n’y a pas de « gold standard ».

Le diagnostic de MC repose sur un faisceau d’arguments : cliniques, endoscopiques, histologiques, radiologiques et biologiques.

2.2) Il arrive que devant une colite inflammatoire, on ne puisse trancher entre rectocolite hémorragique (RCH) et MC ; on parle alors de colite inclassée. Si le doute persiste après étude d’une pièce de résection chirurgicale on parle de colite indéterminée.

2.3) Les principales données à préciser lors de l’examen clinique sont indiquées dans l’encadré 1.

3) Données biologiques

Quelles sont les données biologiques utiles ?

Elles sont indiquées dans l’encadré 1.

3.1) Une anémie et une augmentation des plaquettes sont fréquentes au cours de la MC.

3.2) Ne pas oublier de doser la CRP.

- La CRP est globalement bien corrélée à l’activité inflammatoire. La VS est mieux corrélée à l’inflammation en cas de colite que d’atteinte du grêle.

- Une augmentation de la CRP permet d’apprécier aussi le risque de rechute.

- Un taux élevé de CRP est le signe d’une maladie active ou d’une complication bactérienne.

3.3) Et la calprotectine ?

Elle permettrait le diagnostic différentiel avec une colopathie fonctionnelle. En effet, l’augmentation de la calprotectine fécale s’observe en cas de maladie inflammatoire de l’intestin (valeur prédictive positive de 50 à 60 %) et pas au cours des troubles fonctionnels intestinaux.

4) Endoscopie et biopsies

La place de l’endoscopie et des biopsies est fondamentale.

4.1) L’iléo-coloscopie avec biopsies multiples est l’examen de première ligne pour le diagnostic d’une colite.

4.2) Au plan diagnostique, les éléments les plus évocateurs de MC sont les suivants :

- atteinte colique discontinue (il existe des intervalles de muqueuse d’apparence saine),

- aspect pavé de la muqueuse (cobble stoning),

- présence de lésions anales.

4.3) Au plan pronostique, les critères de gravité anatomique sont la profondeur des ulcérations (atteinte de la musculeuse…) et l’extension à plus d’un tiers d’un segment colique atteint (côlon droit, transverse, côlon gauche).

4.4) En cas de maladie sévère (le risque de perforation étant accru) il est prudent de se contenter dans un premier temps d’une sigmoïdoscopie et de programmer ultérieurement une iléo-coloscopie (l’iléoscopie est supérieure à la radiologie pour le diagnostic d’atteinte iléale, surtout lorsque celle-ci est superficielle).

4.5) Une gastroscopie avec biopsies systématiques doit faire partie du bilan initial de la MC.

4.6) La vidéo-capsule endoscopique et l’entéroscopie poussée avec biopsies sont des examens de deuxième intention, que l’on envisage après échec des méthodes radiologiques.

5) Imagerie

Quelle est la place de l’imagerie ?

5.1) La radiographie d’abdomen sans préparation (ASP) garde un intérêt. Elle peut montrer notamment :

- une dilatation colique ou du grêle,

- un aspect de masse dans la fosse iliaque droite,

- une sacro-iliite.

5.2) L’intérêt des autres méthodes radiologiques est de compléter l’endoscopie pour évaluer l’extension de la maladie « en hauteur » (intestin grêle) ou en profondeur (fistule, abcès). On choisira l’échographie ou l’IRM, plutôt que la scanner, chaque fois que cela est possible, en vue de diminuer l’irradiation de sujets souvent jeunes et dont la maladie évolue habituellement sur de nombreuses années.

5.3) L’intestin grêle est actuellement évalué par scanner (entéroscanner avec ou sans entéroclyse) ou entéro-IRM.

Le grêle et en particulier l’iléon terminal est également analysable par échographie (qui est aussi utile pour la détection des abcès).

Réponse

Le paragraphe 3.3) comporte une inexactitude. En effet, si une augmentation de la calprotectine fécale s’observe effectivement en cas de maladie inflammatoire de l’intestin, sa valeur prédictive positive est de 80 % à 90 % (et pas de 50 à 60 %). Il faut cependant souligner que la positivité de cet examen n’est pas spécifique de la MC et qu’il est peu utilisé en pratique.

Le traitement et les situations particulières seront abordées dans de prochains articles.

Pour en savoir plus :

1) The second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: Definitions and diagnosis. G. Van Assche et al. for the European Crohns’s and Colitis Organisation (ECCO). Journal of Crohn’s and Colitis 2010;4:7-27

2) The second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: Current management. A Dignass et al. for the European Crohns’s and Colitis Organisation (ECCO). Journal of Crohn’s and Colitis 2010;4:28-62.

3) The second European evidence-based consensus on the diagnosis and management of Crohn’s disease: Special situations. G Van Assche et al. for the European Crohns’s and Colitis Organisation (ECCO). Journal of Crohn’s and Colitis 2010;4:63-101.

 Dr CLAUDE EUGÈNE Clinique Saint-Louis (Poissy)

Source : Le Quotidien du Médecin: 8883