Epidémie de coronavirus

Un important retard dans l’accès aux coloscopies

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Publié le 20/10/2020
On recense 182 000 coloscopies en retard, suite au confinement instauré en mars dernier. Mise au point sur les conséquences de l'épidémie en gastroentérologie avec le Dr Franck Devulder, président du Synmad.
40 000 cancers colorectaux dépistés chaque année en France par coloscopie

40 000 cancers colorectaux dépistés chaque année en France par coloscopie
Crédit photo : phanie

Quel est l’impact de l’épidémie de coronavirus sur l’activité des gastroentérologues ? Il est bien sûr trop tôt pour tirer des conclusions définitives, la situation épidémique actuelle restant encore pleine d’incertitudes. « Mais il est certain que les six derniers mois ont eu des conséquences importantes avec toutefois différentes phases », explique le Dr Franck Devulder, président du Synmad, en évoquant la première phase du confinement.

75% d'activité en moins

« Les médecins généralistes ont alors gardé une certaine activité liée notamment à la prise en charge des patients ayant des symptômes liés au Covid. Mais pour tous les autres médecins spécialistes, l’activité a été réduite de plus des trois-quarts. Si on prend l’exemple de la gastroentérologie, dès le premier jour du confinement, tous les blocs ont été fermés et nous avons eu pour consigne de ne prendre en charge que les urgences et les fortes suspicions de cancer », explique le Dr Devulder.

Pour le reste, les gastroentérologues ont développé des consultations à distance via les outils de télémédecine. « Cela s’est fait très vite notamment pour tous ceux qui, comme moi, avaient déjà développé la téléconsultation dans leur cabinet. Mais il a fallu un certain temps avant que les Français se fassent à l’idée de ce nouveau mode de consultation. Durant les premières semaines, beaucoup de gens n’ont pas consulté. Il ne s’agissait pas réellement d’un renoncement aux soins mais plutôt un souhait de les différer dans le temps, souligne le président du Synmad. Mais ensuite, la téléconsultation a vraiment décollé comme le montrent les chiffres sur le sujet », ajoute-t-il.

Une reprise progressive

La deuxième phase a été celle du déconfinement et s’est traduite par une augmentation brutale du nombre de consultations de patients qui sont retournés vers les cabinets de gastroentérologie. « En revanche, la reprise de l’activité dans les blocs a été très progressive pour plusieurs raisons. Le premier frein a été les contraintes imposées par les Agences régionales de santé (ARS). Ensuite, il y a eu la tension sur la disponibilité des produits d’anesthésie. Enfin, et il est important de le dire, il y a eu l’attitude de certaines directions de grandes chaînes d’hospitalisation privée qui n’ont pas vraiment poussé pour une reprise rapide. Est-ce parce que ces cliniques ont reçu, pour la période du confinement, une compensation financière sur la base de leur chiffre d’affaires de l’année dernière ? En tout cas, j’ai été alerté par des collègues anesthésistes du nord de la France à qui on a dit qu’il ne fallait surtout pas se précipiter pour reprendre une activité normale. Ce qui m’a conduit à écrire au directeur général de la grande chaîne d’établissement concernée qui a évoqué un malentendu. J’ai aussi alerté la DGOS et Olivier Véran , le ministre de la Santé », explique le Dr Devulder.

En cette rentrée, la reprise d’activité est bien plus large mais la situation reste tendue. « Il y a d’abord un retard important dans la réalisation des coloscopies. Globalement, on estime à 182 000 le nombre de coloscopies en retard. C’est énorme puisque cela représente 15 % du nombre total de coloscopies faites chaque année en France. Et forcément, il y a un certain nombre de cancers qui risquent d’être dépistés de manière tardive. Chaque année, on fait entre 1,2 et 1,4 million de coloscopies en France et on dépiste 40 000 cancers colorectaux. C’est un cancer qui provoque le décès de 20 000 personnes chaque année en France », indique le Dr Devulder, en précisant que de nombreux gastroentérologues travaillent désormais le samedi face à la demande importante d’examens.

« L’autre source d’inquiétude est la très grande difficulté pour avoir un dépistage du Covid dans des délais acceptables. Il faut vraiment prioriser les personnes symptomatiques ou qui sont des cas-contact », ajoute le président du Synmad.

D’après un entretien avec le le Dr Franck Devulder, président du Synmad et, depuis février, président des Spécialistes-CSMF

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr