« ON S’INTÉRESSE au handicap fonctionnel depuis 60 ans dans la sclérose en plaque et depuis 40 ans dans la polyarthrite rhumatoïde mais cette notion n’est apparue que très récemment dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], indique le Pr Laurent Peyrin-Biroulet (Nancy). À première vue, les patients atteints de MICI ne paraissent pas malades. Pourtant, c’est bien leur maladie qui les empêche de pratiquer leur sport, atteint leur moral, détériore leur sommeil, détruit leurs relations personnelles et diminue leur productivité au travail. »
Il fallait disposer d’un moyen d’évaluer spécifiquement ce handicap fonctionnel. C’est chose faite, grâce à un index développé par le Pr Peyrin-Biroulet et coll (1) à partir d’un indice standard de l’OMS, l’International Classification of Functionning, Disability and Health (ICF). Ce nouvel index sera définitivement validé et disponible pour tous dans le courant de l’année. « Nous avons pris, parmi les 1 400 catégories proposées par l’ICF, celles qui s’appliquaient aux MICI. Puis nous les avons confrontées aux données d’entretiens réalisés avec des patients, des médecins, des infirmiers et des diététiciens, pour retenir au final, à l’issue d’une conférence de consensus qui a eu lieu en Suisse en juin 2010, 19 questions [possibilité de participer à des activités sociales, de travailler y compris à la maison, douleur, état mental (dépression, anxiété), gestion des défécations, qui sont la première cause de restriction spontanée des déplacements...]. »
Le Pr Peyrin-Biroulet explique par ailleurs que l’un de ses espoirs, quand il a développé l’index de handicap fonctionnel, était de corriger l’inadéquation de l’entretien médical avec les préoccupations des patients. Son outil fournit ainsi aux médecins l’occasion de s’interroger sur la communication avec les patients. Comme dans toutes les maladies chroniques, seuls 50 % d’entre eux sont observants, souligne le Pr Peyrin-Biroulet. L’inobservance constitue le premier facteur de rechute dans la rectocolite hémorragique. « L’entretien motivationnel, tous les médecins sont contre au début, ils pensent que cela rallonge leur temps de consultation. Mais ce n’est pas vrai : le faire évite de se heurter continuellement aux mêmes quiproquos et aux mêmes échecs, et finalement de répéter la même chose plusieurs fois ». C’est pourquoi le programme IBD connect a développé dans 28 pays, avec le soutien institutionnel d’Abbott, divers outils pour améliorer la communication médecin/patient.
Progressive, destructrice et invalidante.
La reconnaissance du handicap s’inscrit dans un contexte de rénovation profonde des stratégies thérapeutiques dans les MICI en général et la maladie de Crohn en particulier. Le consensus émis à l’ECCO 2010 avait pour la première fois remis en question l’approche en step-up systématique dans les formes sévères*, pour discuter de l’intérêt des anti-TNF en première intention.
À l’origine de ce virage : les résultats à long terme d’études de stratégie qui montrent que, s’il n’y a pas de différence sur les symptômes en tout début de traitement entre une stratégie agressive et une stratégie step-up, l’inertie se paye plus tard avec une cicatrisation muqueuse beaucoup moins fréquente – et, à la clé, une progression plus rapide dans l’histoire naturelle de la maladie (opérations répétées, stomie).
La rémission profonde maintenue est alors devenue un objectif, concrétisée par une absence non seulement de symptômes, mais aussi de signes biologiques d’inflammation et par une cicatrisation endoscopique, voire histologique, le tout étant maintenu dans la durée. L’étude Extend avec l’adalimumab (Humira, Abbott) a été la première à évaluer la rémission profonde (en analyse post-hoc à un an elle a été de 0 versus 19,4 % [p‹0,001] dans les groupes placebo et adalimumab une fois toutes les deux semaines).
La conférence de consensus de juin 2011 à Paris (à paraître dans l’Am J Gastro) a marqué l’étape suivante, entérinant le concept de maladie de Crohn précoce (patients dont la maladie dure depuis moins de 18 mois et qui n’ont pas encore reçu de traitement immunosuppresseur ni de biothérapie). C’est chez ces malades qu’il existe une possibilité de changer le cours de la maladie, alors que l’appareil digestif n’a pas encore été détruit, comme le suggèrent les analyses en sous-groupe d’Extend : à douze semaines, la cicatrisation muqueuse a été obtenue dans les groupes traitement et placebo chez respectivement 44 et 0 % des patients malades depuis moins de deux ans… mais seulement chez 21 et 18 % de ceux qui étaient malades depuis au moins 5 ans (p = 0,029 pour ce dernier résultat).
D’après des communications orales, et des posters présentés au congrès de l’ECCO le 16 février 2012 et un symposium organisé par Abbott.
(1) Peyrin-Biroulet et coll. Development of the first disability index for inflammatory bowel disease based on international classification of functioning, disability and health. Gut 2012;61:242-7
* Critères de sévérité : atteinte extensive du grêle, atteinte sévère de l’appareil digestif supérieur, atteinte rectale, lésions périanales, sténoses et fistules précoces, ulcérations profondes. Facteurs de risque : tabagisme, jeune âge au diagnostic, profil génétique.
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points