Un probiotique plus maniable

Une bactérie inactivée contre le syndrome du côlon irritable

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Publié le 17/04/2020
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Pour la première fois, un essai clinique montre qu'un probiotique avec une bactérie non viable fait mieux que le placebo dans le syndrome du côlon irritable.
Un renforcement de la barrière intestinale contre les toxines et bactéries délétères

Un renforcement de la barrière intestinale contre les toxines et bactéries délétères
Crédit photo : Phanie

La définition des probiotiques serait-elle en train de changer ? Jusqu'à présent l'OMS les définit comme « des micro-organismes vivants, qui ingérés en quantité suffisante, exercent des effets bénéfiques sur la santé, au-delà des effets nutritionnels ».

Pour la première fois dans un essai clinique randomisé et contrôlé versus placebo (1), des chercheurs allemands montrent dans « The Lancet Gastroenterology & Hepatology » qu'une souche bactérienne non viable inactivée par la chaleur fait aussi bien que le placebo dans le syndrome du côlon irritable.

Dans cet essai 1/1 mené chez 443 participants, le groupe ayant ingéré, pendant huit semaines, deux capsules par jour de la bactérie Bifidobacterium bifidum MIMBb75 présentait un taux d'amélioration significativement plus important (34 %) que le groupe placebo (19 %), soit une efficacité multipliée d'un facteur 1,7. La tolérance était identique dans les deux groupes, sans événement indésirable grave, l'effet le plus fréquent étant les douleurs abdominales (< 1 %).

« À notre connaissance, aucune souche bactérienne tuée n'a apporté la preuve d'une amélioration significative du syndrome du côlon irritable et de ses symptômes, mais le probiotique utilisé dans ce premier essai clinique semble égaler voire surpasser les effets des formes vivantes », rapporte le Pr Peter Layer de l'hôpital universitaire de Hambourg et auteur senior de l'étude.

Une liaison protectrice avec la muqueuse intestinale conservée

Si les médecins hambourgeois ne connaissent pas exactement le mécanisme d'action de ce traitement potentiel, ils avancent que la bactérie tuée serait capable de se fixer aux cellules intestinales de la même façon que les probiotiques vivants. Pour ces derniers, le rationnel sous-tendant leur utilisation repose sur un renforcement de la barrière intestinale contre les toxines et bactéries délétères mises en cause dans l'affection digestive.

Précédemment, les essais cliniques ont montré un effet positif des probiotiques pour quelques souches bactériennes vivantes, dont la bactérie Bifidobacterium bifidum MIMBb75. Cette souche s'est révélée avoir une capacité particulièrement forte à se lier aux cellules de la paroi digestive.

Pour évaluer l'efficacité de sa forme inactivée, le critère principal de jugement retenu était composite associant une amélioration d'au moins 30 % des douleurs abdominales à huit semaines de traitement et une amélioration de l'ensemble des symptômes pendant au moins 50 % de la durée de la prise (c'est-à-dire pendant au moins quatre semaines).

Les patients recrutés présentaient des douleurs ou une gêne abdominales chroniques pendant au moins trois jours dans les trois mois, avec des symptômes remontant à au moins six mois. Pour être inclus, les personnes devaient avoir eu des douleurs pendant au moins deux jours dans les 15 jours précédant le début de l'essai.

Une alternative plus maniable

Pour les auteurs, si l'importante réponse placebo (19 %) est un biais potentiel, la différence d'effet entre les deux bras reste significativement en faveur du probiotique. De plus, il est rappelé que l'effet placebo est fréquemment observé dans le syndrome du côlon irritable.

Cette étude suggère que les bactéries non viables pourraient être une alternative intéressante aux probiotiques vivants, qui posent des difficultés quant à la production, au stockage et à la conservation, notamment dans les pays chauds. De plus, les probiotiques vivants ont entraîné des infections graves chez des sujets immunodéprimés ou fragiles.

Pour le Pr Nicholas Talley de l'université de Newcastle (Australie), l'un des signataires de l'éditorial, l'essai allemand confirme, avec une souche inactivée, l'effet précédemment observé avec la bactérie vivante dans une étude plus petite : « La force de cette étude est que tous les sous-types de syndrome de côlon irritable ont été inclus dans l'analyse, et la thérapie basée sur des bactéries inactivées semble bénéficier aux différents sous-groupes ».

(1) V Andresen et al. Lancet Gastroenterol Hepatol, doi.org/10.1016/S2468-1253(20)30056-X, 2020

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin