Inhibition de la synthèse intestinale de sérotonine

Une nouvelle voie dans l’ostéoporose

Publié le 17/12/2010
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Crédit photo : BSIP

« Notre travail fait suite aux résultats d’une étude antérieure publiée dans " Cell " qui mettait en évidence une inhibition de l’ostéogenèse par la sérotonine fabriquée dans le duodénum », explique le Pr Karsenty. « Une application évidente de cette découverte était d’inhiber la synthèse de sérotonine d’origine duodénale, dans l’objectif d’augmenter la masse osseuse. La majorité des traitements de l’ostéoporose consistent à inhiber la résorption osseuse. Le seul à exercer une stimulation de la formation osseuse est la parathormone (PTH), injectée une fois par jour et dont l’efficacité décroît ou disparaît après 18 mois. » D’où l’intérêt de découvrir de nouveaux anabolisants de l’ostéoporose.

« Au moment de la publication de notre étude dans " Cell ", une entreprise de biotechnologie rapportait l’identification d’un inhibiteur spécifique de la synthèse duodénale de la sérotonine. Cette molécule, le LP533401, avait, en outre, été testée chez l’homme sans induire d’effet secondaire notable. » Le LP533401 est un inhibiteur de l’enzyme Tph1 (tryptophane hydroxylase 1), la première enzyme de la voie de biosynthèse intestinale de la sérotonine (qui se fait dans les cellules entérochromaffines du duodénum). Il ne franchit pas la barrière hémato-méningée après administration orale.

« Nous avons alors évalué ce composé sur des modèles d’ostéoporose postménopausique (après gonadectomie) chez la souris et le rat, poursuit le Pr Karsenty. Ces travaux expérimentaux montrent que le LP533401, administré une fois par jour sous forme orale, est aussi efficace qu’une injection quotidienne de PTH à dose extrêmement élevée, et qu’il a un effet purement anabolisant. Ils indiquent aussi qu’il est possible de corriger complètement l’ostéoporose induite par l’ovariectomie, même si la molécule est administrée 3 mois après l’intervention chez les rates (un délai considérable étant donné l’espérance de vie de 2 ans chez ces animaux). »

Objectif : des essais cliniques.

Tout en confirmant que la sérotonine est un inhibiteur de la formation osseuse, ces résultats apportent la preuve de principe qu’un inhibiteur de la synthèse duodénale de la sérotonine, administré une fois par jour jusqu’à 6 semaines en tout, peut prévenir et même guérir l’ostéoporose chez le rongeur en réduisant partiellement les taux circulants périphériques de sérotonine ; cela, sans effet néfaste.

« Nous allons maintenant essayer de découvrir des molécules encore plus performantes, poursuit le chercheur. Nous les évaluerons sur des modèles murins de l’ostéoporose avec comme objectif, à terme, de conduire des essais cliniques chez l’homme. Il y a deux arguments qui rendent un inhibiteur de cette voie de biosynthèse particulièrement intéressant dans cette application. D’une part, le gène ciblé par cet inhibiteur est exprimé dans un très petit nombre de cellules et, d’autre part, ces cellules sont orientées vers la lumière de l’intestin (cellules entérochromaffines). La possibilité d’inhiber la synthèse de la sérotonine dans le duodénum sans passage dans le sang devrait minimiser le risque d’effets secondaires. »

Yadav et coll. Nature Medicine 7 février 2010.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8879