Après l’échec de 2018, cette fois-ci, c’est gagné. Il y a cinq ans, les équipes du gérontopôle de Toulouse avaient vu leur demande de labellisation en institut hospitalo-universitaire (IHU) retoquée par un jury international. Après une nouvelle candidature, le Graal est enfin tombé en mai 2023 à l’occasion de la troisième vague de l’appel à projets des IHU en France.
Nommé « HealthAge », l’IHU toulousain est donc sur les rails, avec une dotation de 10 millions d’euros, attribuée en deux tranches de cinq millions d’euros renouvelables au terme d’une première évaluation. À ce budget s’ajoute un financement de 12,6 millions d’euros de la région Occitanie via des fonds européens de développement régional (Feder). Et sept millions d’euros de fonds privés ont aussi été promis dans le cadre de la fondation hospitalière Pastel, portée par le CHU de Toulouse.
Pour le Pr Bruno Vellas, chef de service du département de médecine interne et de gériatrie du CHU de Toulouse et fondateur du gérontopôle devenu IHU : « Ce label est la reconnaissance de décennies de travaux de recherche menés au CHU sur un sujet majeur pour notre société. Le but de l’IHU est d’adapter notre système de santé pour faire émerger une médecine destinée à conserver les fonctions qui permettent de vieillir en bonne santé, telles que les définit l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : l’audition, la mobilité, la nutrition, la mémoire, le bien-être psychique. C’est un véritable changement de paradigme quand on sait que nous allons vivre en moyenne 30 % de notre vie après 60 ans ! »
Pour ses travaux de recherche, l’IHU s’appuie sur la géroscience, cette discipline récente qui permet d’appréhender la notion d’âge biologique par opposition à l’âge chronologique. « Notre ambition est de développer des thérapeutiques permettant de ralentir ou d’éviter l’apparition de pathologies chroniques classiquement liées à l’âge, telles que la démence, le diabète, le cancer, les maladies cardiaques », précise le Pr Vellas.
À ce jour, plusieurs projets de recherche livrent de premiers résultats. C’est le cas notamment du projet Icope Monitor, développé par l’OMS et dont le gérontopôle est centre expérimentateur depuis 2017. Cette application mobile évalue via un questionnaire le maintien des fonctions essentielles des seniors. « À ce jour, 52 000 seniors âgés en moyenne de 75 ans y participent au niveau national, dont 70 % en Occitanie, décrit la Dr Sophie Guyonnet, gériatre et directrice des programmes de l’IHU. Les premières données analysées montrent que les anomalies les plus fréquemment repérées concernent la cognition, dans 50 % des cas, et l’audition, dans 45 % .»
Notre ambition est de développer des thérapeutiques permettant de ralentir ou d’éviter l’apparition de pathologies chroniques liées à l’âge, la démence, le diabète, le cancer, les maladies cardiaques
Pr Bruno Vellas, CHU de Toulouse, fondateur de l’IHU
Comparer le vieillissement des humains, des poissons et des souris
L’IHU va aussi permettre de déployer la cohorte Inspire, qui inclut déjà 1 080 adultes âgés de 20 à 100 ans dans la région toulousaine. Les participants seront évalués régulièrement pendant dix ans par l’application Icope et certaines données biologiques (issues de prélèvements de sang, urine, plaque dentaire et salive) seront comparées sur la durée. « Grâce à cette étude, nous souhaitons étudier le processus de vieillissement biologique, puis dégager des profils d’individus à risque de vieillissement accéléré afin de mettre en place une prévention ciblée », précise la Dr Guyonnet.
L’originalité du programme tient dans la réalisation d’études miroirs sur des cohortes animales, des poissons et des modèles murins au sein de laboratoires de l’Inserm, l’un des trois cofondateurs de l’IHU avec le CHU de Toulouse et l’université Toulouse III-Paul Sabatier.
« Je travaille sur une cohorte de 300 poissons, des “killing fishs” qui ont la particularité de vieillir en seulement quatre à six mois, tout en présentant les mêmes marqueurs de vieillissement que les humains », raconte le chercheur Cédric Dray, du laboratoire Restore. Ses équipes ont déjà évalué la locomotion et la cognition de ces poissons et observent leur audition et leur vision. « Nous voulons comprendre à quel âge chronologique le poisson présente ces pertes sensorielles », indique le maître de conférences à l’université Paul Sabatier.
Au sein du laboratoire de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), les équipes du Pr Angelo Parini étudient des souris qui vieillissent en trois ans. « Nous regardons à partir de prélèvements de sang, d’urine et d’organes, quels sont les éléments biologiques associés au vieillissement pathologique, explique-t-il. L’objectif est d’établir des marqueurs pour déterminer quel individu va vers un vieillissement pathologique puis de définir des cibles thérapeutiques avec des médicaments existants ou des molécules de nouvelle génération. »
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