Des indications aussi dans des pathologies gynécologiques bénignes

De nouvelles techniques d’autoconservation

Par
Publié le 25/06/2021
Article réservé aux abonnés
Si la congélation d’ovocytes ou d’embryons après stimulation ovarienne reste la technique d’autoconservation la plus utilisée, la cryopréservation de tissu ovarien, la congélation d’ovocytes après maturation in vitro et des approches chirurgicales peuvent également être proposées aux femmes exposées à un risque d’infertilité du fait de pathologies et/ou de traitements.
En France, 20 000 femmes pourraient être concernées chaque année

En France, 20 000 femmes pourraient être concernées chaque année
Crédit photo : phanie

Des techniques d’autoconservation des ovocytes ou de tissu ovarien, « terminologie préférable à celle de “préservation de la fertilité”, parfois trop optimiste », estime le Pr Michael Grynberg (gynécologue, Clamart), sont aujourd’hui proposées aux femmes souffrant d’une maladie dont l’histoire naturelle ou les traitements peuvent être associés à un risque d’infertilité, par atteinte ovarienne et réduction du stock d’ovocytes.

Parmi les principales pathologies impliquées : celles nécessitant un traitement gonadotoxique — qu’il s’agisse d’une chimiothérapie ou d’une radiothérapie pelvienne pour un cancer, du traitement de certaines maladies auto-immunes — ou encore des maladies faisant contre-indiquer une grossesse pendant plusieurs années, retardant ainsi l’âge d’une possible grossesse (mélanome, hormonothérapie pour cancer du sein, etc.). Mais ces techniques s’adressent aussi à des femmes qui présentent une pathologie gynécologique bénigne, comme une endométriose avec atteinte ovarienne, ou ayant des antécédents familiaux d’insuffisance ovarienne précoce.

Les indications sont donc assez larges et, même si les données épidémiologiques précises font défaut, elles concernent potentiellement chaque année en France quelque 20 000 femmes de moins de 40 ans.

Chacune d’entre elles doit se voir proposer une consultation dite de « préservation de la fertilité » dans un délai très court. « Les différentes équipes se sont organisées pour être joignables à tout moment et se sont engagées à voir les femmes dans les 24 à 48 heures », indique le gynécologue, avant de rappeler qu’il est essentiel que les femmes soient bien informées des limites des techniques aujourd’hui disponibles et des alternatives possibles, telles que le don d’ovocytes ou l’adoption. « La préservation de la fertilité ne constitue en rien une garantie de grossesse », poursuit le Pr Grynberg.

Congélation d’ovocytes ou d’embryons le plus souvent

À côté d’une stratégie de protection ovarienne par administration d’analogues de la GnRH, à l’efficacité débattue, les deux principales techniques utilisées aujourd’hui sont la congélation d’ovocytes ou d’embryons après stimulation ovarienne. Elles s’adressent aux femmes pubères n’ayant pas de contre-indication à la stimulation et dont le traitement justifiant le recours à ce type de technique peut être différé de deux à trois semaines.

« Si la congélation embryonnaire est la technique la plus ancienne, dérivée de la fécondation in vitro, la congélation d’ovocytes, plus complexe techniquement, a été développée en routine depuis une douzaine d’années », rappelle le gynécologue. Son avantage est de pouvoir être proposée aux femmes n’ayant pas de partenaire ou n’exprimant pas de projet de grossesse avec leur partenaire actuel. Ses résultats dépendent de l’âge de la femme et du nombre d’ovocytes vitrifiés, avec un taux de grossesse en moyenne de 30 à 50 % chez les patientes de 35 ans.  

Après maturation in vivo

La congélation ovocytaire après maturation in vitro (MIV) permet quant à elle de s’affranchir de la stimulation ovarienne et est réalisable en urgence, quelle que soit la phase du cycle. Si elle est a priori moins efficace que la stimulation ovarienne, en termes de compétence ovocytaire, elle permet de proposer une solution dans des situations complexes. « L’an dernier, nous avons pu rapporter la première grossesse après MIV chez une patiente traitée pour un cancer du sein (1) et la première également chez une femme ayant une insuffisance ovarienne précoce d’origine auto-immune (2) », indique le Pr Grynberg.

Autre technique, qui est la seule utilisable avant la puberté : la cryopréservation de tissu ovarien et de ses follicules de réserve, dans l’objectif d’une greffe ultérieure. Ses indications sont assez limitées comparativement à la congélation ovocytaire : enfants avant la puberté et jeunes filles pubères devant recevoir un protocole de traitement à fort risque stérilisant, tel qu’un traitement d’induction avant une greffe de moelle. S’agissant de la greffe ultérieure d’un tissu, il y a dans certaines pathologies, un risque de réintroduction de tissu tumoral. Les taux de succès de cette technique sont mal connus, mais on considère que, depuis son avènement il y a 15 ans, 250 naissances ont été obtenues.

D’autres approches, chirurgicales, sont envisageables dans des situations particulières : transposition ovarienne et chirurgie dite « conservatrice », qui vise à préserver des capacités anatomiques de fertilité. « Parfois aucune solution ne peut être proposée, mais le nombre de femmes pouvant potentiellement bénéficier de ces techniques de préservation de la fertilité pour des indications non oncologiques devrait s’accroître, en particulier dans l’endométriose et les autres pathologies gynécologiques bénignes », souligne le Pr Grynberg.

Exergue : « Les équipes se sont engagées à voir les femmes dans les 24 à 48 heures »

Entretien avec le Pr Michael Grynberg, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart

(1)  Annal Oncol. 2020 Apr;31(4):541-2

(2)  Fertil Steril 2020 Oct;114(4):848-53

Dr Isabelle Hoppenot
En complément

Source : lequotidiendumedecin.fr