Pour uniformiser les pratiques

Des RPC à visée consensuelle sur les pathologies vulvovaginales

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Publié le 24/06/2022
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Après plus de deux ans de travail, les recommandations de pratique clinique (RPC), lancées par le CNGOF, sont quasi finalisées. Le texte intégral devrait être publié cette année. Leur coordinatrice, la Pr Lobna Ouldamer (CHU de Tours) en présente les grandes lignes.
En dehors du cancer de la vulve, le niveau de preuves est relativement faible

En dehors du cancer de la vulve, le niveau de preuves est relativement faible
Crédit photo : phanie

Comment prendre en charge au mieux les pathologies vulvovaginales précancéreuses et cancéreuses ? C’est pour répondre à cette question que le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) a donné son feu vert en 2019 à la rédaction de recommandations de pratique clinique (RPC) sur les pathologies vulvaires et vaginales. L’intégralité de ces recommandations devrait être publiée au cours de l’année mais des messages clefs ont déjà été présentés à la mi-mai, lors du congrès Paris santé femmes. Ces recommandations ont été placées sous la présidence du Pr Jean Leveque (CHU de Rennes) avec la Pr Lobna Ouldamer (CHU de Tours) comme coordinatrice et le Pr Cyrille Huchon (Lariboisière/Bichat) comme méthodologiste.

« Ce travail a été mené par le CNGOF en lien avec toutes les sociétés de savantes de gynécologies concernées (le groupe de recherche FrancoGyn, la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale [SFCPC], la Société de chirurgie gynécologique et pelvienne [SFGP], la Société française d'oncologie gynécologie [SFOG], la Société française de radiothérapie oncologique [SFRO]), mais aussi les trois sociétés savantes de dermatologie concernées, sous l’égide de la Société française de dermatologie (SFD) : le Groupe des maladies anogénitales, le Groupe de cancérologie cutanée et le Groupe infectiologie dermatologique et infections sexuellement transmissibles. Le texte a aussi été relu par des patientes de l’association ImaGyn, en plus d’experts nationaux et internationaux », indique la Pr Ouldamer, en précisant qu’au total une quarantaine d’experts ont travaillé sur ces recommandations.

« Elles portent sur plusieurs champs : les dysplasies vulvaires de haut grade, les dysplasies de type VIN différenciées, les dysplasies vaginales de haut grade, les mélanomes vulvovaginaux, la maladie de Paget vulvaire, le cancer vulvaire et le cancer du tiers inférieur du vagin », détaille la Pr Ouldamer, en reconnaissant le caractère rare de ces pathologies. « En dehors du cancer de la vulve, le niveau de preuves est relativement faible car il y a assez peu de littérature sur les champs concernés par ces recommandations. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à faire des propositions consensuelles de prise en charge », précise la coordinatrice.

« Pour finir, le texte fait plus de 200 pages. Il sera publié intégralement en français, en principe en 2022, dans la revue Gynécologie-Obstérique-Fertilité. Il y aura une version anglaise avec des chapitres séparés sur les cancers, la maladie de Paget, les mélanomes vulvovaginaux et les lésions précancéreuses. »

Une approche plus conservatrice aux stades initiaux

Ces recommandations sont destinées aux professionnels de santé impliqués dans le diagnostic et la prise en charge thérapeutique des patientes présentant une de ces pathologies. Elles ont vocation à être consultées par les gynécologues-obstétriciens, les chirurgiens gynécologues, les dermatologues anatomopathologistes, les radiologues, les oncologues médicaux, les radiothérapeutes, les gynécologues médicaux, les médecins généralistes, et les sages-femmes. « Ce sont bien sûr les gynécologues mais aussi les dermatologues qui prennent en charge ces patientes. Aujourd’hui, chacun fait ce qu’il pense être bien avec les moyens dont il dispose. Avec ces RPC, tous pourront disposer d’indications consensuelles pour améliorer les prises en charge. L’objectif est de corriger certaines habitudes bien ancrées », indique la Pr Ouldamer en citant le cas des gynécologues face à des patientes présentant des dysplasies vulvaires de haut grade. « Pour les gynécologues qui ne sont pas experts, toutes ces patientes doivent forcément passer par la case chirurgie. Alors que cela n’est pas nécessairement indiqué dans tous les cas. Dans nos recommandations, on propose une approche plus nuancée, en tenant compte du fait que, pour les patientes, se faire opérer du vagin ou de la vulve, cela n’est jamais anodin. À chaque fois que cela a été possible, nous avons donc fait des propositions les moins morbides possible, en préservant autant que possible de la qualité de vie des patients, ce qui est essentiel », indique la Pr Ouldamer.

Des pathologies à référer

Un autre message clef à faire passer est que ces pathologies rares doivent toujours être adressées à des médecins experts du domaine. « Dès qu’on est en présence d’une lésion vulvaire ou vaginal de ce type, il faut s’en remettre à des personnes expérimentées. Sinon, il y a un vrai risque de perte de chances pour les patientes. Dans la région Centre, l’essentiel de ces pathologies vulvaires et vaginales sont prises en charge au CHU de Tours. Je vois en moyenne une vingtaine de cancers de la vulve par an. Pour comparer, on prend en charge dans le même temps 100 cancers de l’ovaire et un peu moins de 500 cancers du sein », explique la Pr Ouldamer.

Elle précise toutefois qu’il est tout à fait du ressort des gynécologues ou des dermatologues de ville de faire des biopsies face à ces lésions. « Mais, dès qu’ils voient des lésions blanches ou rouges suspectes, ils doivent penser à prendre avis auprès d’un centre expert pour la prise en charge », insiste la Pr Ouldamer.

Exergue : « Aujourd’hui, chacun fait ce qu’il pense être bien avec les moyens dont il dispose »

Entretien avec Lobna Ouldamer, professeur de gynécologie-obstétrique au CHU de Tours, option cancérologie

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr