Examen pelvien : le CNGOF propose de nouvelles recommandations détaillées pour restaurer la confiance entre femmes et médecins

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Publié le 25/01/2023
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Crédit photo : Garo/Phanie

À l'occasion du congrès Pari(s) santé femmes, ces 25, 26 et 27 janvier, dont le fil rouge est cette année la bienveillance dans la relation médecin-patient, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a rendu publiques de nouvelles recommandations pour la pratique clinique (RPC) de l'examen pelvien. Elles sont destinées aux spécialistes, mais aussi aux généralistes de plus en plus impliqués dans les suivis gynécologiques (une démarche à encourager, selon le CNGOF), et aux sages-femmes.

« Certaines femmes redoutent, voire évitent la consultation gynécologique, à cause de cet examen. Il faut déterminer dans quelles situations il est utile, éviter les touchers inutiles et rassurer sur le bien-fondé de la prise en charge », explique le Pr Xavier Deffieux, gynécologue obstétricien à Antoine-Béclère (Clamart, AP-HP) et porte-parole du groupe de travail sur ce sujet. Et de préciser que, déjà en 2015, des recommandations sur la prise en charge du post-partum invitaient à dé-systématiser cet examen si la femme est asymptomatique.

Pas d'examen systématique dans la majorité des consultations

Ces nouvelles recommandations circonscrivent la systématicité du toucher vaginal et le spéculum à des cas bien spécifiques, qui ne concernent pas la majorité des consultations. Ainsi, ils ne sont pas indispensables en vue d'une prescription d'une contraception hormonale et de son suivi ou lors d'un suivi de grossesse pour une femme asymptomatique, sans facteur de risque.

Chez les femmes non enceintes, toucher vaginal et spéculum ne doivent donc pas être systématiques dans le cadre d'une contraception hormonale ; en revanche, ils sont recommandés pour la pose et le suivi d'un DIU. Il est impossible de trancher pour la pose d'un diaphragme, faute de données.

Au-delà de la contraception, l'examen pelvien ne doit pas non plus être systématique dans le cadre du dépistage du cancer de l'ovaire. En revanche, toucher vaginal et spéculum sont recommandés dans le dépistage du cancer du col, en cas de suspicion d'endométriose, de douleurs pelviennes, de masse abdominale ou pelvienne, de saignement chronique, d'urgence (pour préciser le diagnostic et évaluer la gravité), d'incontinence urinaire, de prolapsus ou d'infertilité.

Chez la femme enceinte, les recommandations distinguent souvent toucher vaginal et spéculum. Ainsi, un toucher ne doit pas être systématique pour le suivi d'une femme asymptomatique, mais il peut y avoir recours au spéculum (pour un frottis cervico-utérin ou un test HPV). Idem pour des saignements et douleurs au premier trimestre de la grossesse et suspicion de perte de liquide. En revanche, le toucher est aussi recommandé aux deuxième et troisième trimestres en cas de douleurs (pour identifier un accouchement en cours).

En cas de saignement aux deuxième et troisième trimestres, il n'y a pas de recommandation : « il y a des arguments dans les deux sens : le toucher peut être contre-indiqué en cas de placenta bas ; mais d'un autre côté, il peut être important pour voir l'abondance. Le bon sens clinique doit primer », explique le Pr Deffieux.

Par ailleurs, chez une femme enceinte sans symptômes et sans antécédent d'accouchement prématuré, la mesure systématique de la longueur cervicale par échographie endovaginale n'est pas recommandée car cet examen n'est pas associé à une diminution de la prématurité, précise le collège. Enfin, l'examen pelvien ne doit pas être systématique en consultation post-natale.

Bon sens clinique

Condition sine qua non pour être acceptées des praticiens, ces recommandations reposent sur une analyse de la littérature, en tenant compte des études qui ont comparé différents modes de prise en charge (quitte à ne pas émettre de recommandation et à laisser le libre choix au soignant lorsque les preuves font défaut). Elles s'appuient sur la méthode Pico (pour Population, Intervention, Comparison, Outcome) permettant de formuler clairement une question clinique (40 ont été posées). Elles ont été élaborées par un groupe de travail multidisciplinaire, réunissant les représentants des généralistes, gynécologues médicaux et obstétriciens, sages-femmes, et représentants d'usagers.

« Il faut laisser chaque recommandation dans son contexte : on ne peut en extraire une et l'appliquer à d'autres questions. C'est souvent un compromis entre l’objectif de bien faire, la sécurité des femmes et les moyens à disposition », précise le membre du CNGOF.

Et d'insister sur la primauté du bon sens clinique : « il ne s'agit pas d'appliquer une recommandation à l'aveugle, il faut contextualiser en fonction de la femme et de l'endroit où l'on travaille. Et ne pas oublier que c'est la femme qui accepte ou non la recommandation qu'on propose », ajoute le Pr Deffieux.

Dans tous les cas, le collège recommande de questionner les patientes sur l'existence de violences actuelles ou passées, l'examen pelvien étant « moins bien vécu (anxiété, inconfort, douleurs, gêne, honte) chez les femmes ayant des antécédents de violence que chez les femmes n'en présentant pas ».

« Le bureau du CNGOF est heureux d'avoir ces recommandations fondées sur les preuves. La bientraitance et bienveillance sont au cœur de nos préoccupations, il est urgent de restaurer la confiance entre les patientes et nous et de faire respecter un climat de respect mutuel », a commenté la Pr Joëlle Belaisch Allart. En parallèle, la présidente du CNGOF plaide en effet pour faire évoluer la loi, afin qu'un examen sexuel ne puisse être assimilé à un viol, en l'absence d'intention sexuelle.


Source : lequotidiendumedecin.fr