Dr Hugo Madar*, Pr Loïc Sentilhes* / Bordeaux

La situation française n'est pas directement comparable

Publié le 24/06/2019
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La réduction du taux de césarienne reste un objectif mondial et cette étude laisse à penser que le déclenchement systématique à 39 SA serait la méthode la plus efficace pour y parvenir. Néanmoins l'extrapolation des données à une population différente de celle des États-Unis est discutable. En effet, le taux de césarienne y est de 20 % chez les nullipares à bas risque, ce qui semble plus élevé que le taux de césarienne en France pour la même population, sachant que les caractéristiques des patientes, notamment l'indice de masse corporel, sont différentes entre les deux pays.

De plus, il n'est pas apporté de précision sur les caractéristiques et les issues des patientes éligibles mais non randomisées, qui n'ont pas accepté de remettre le moment et le mode de leur accouchement entre les mains du hasard, alors qu'il est légitime de penser qu'elles pourraient présenter des caractéristiques différentes.

Il faut également prendre en compte que la gestion du travail, en particulier de la phase de latence qui était bien protocolisée dans l'essai de Bill Grobman pour ne pas réaliser trop rapidement une césarienne pour échec de déclenchement.

Toutes ces différences, outre des problématiques d'ordre organisationnel, sont des freins à la généralisation rapide d'une attitude de proposition systématique d'un déclenchement à 39 SA aux nullipares à bas risque. En effet, s'il était proposé à des patientes qui ne possèdent pas strictement les mêmes caractéristiques que celles incluses dans cet essai, et si la prise en charge des « échecs de déclenchement » devenait variable d'un centre à l'autre, alors il est à craindre un effet inverse à celui recherché, avec une augmentation du risque de césarienne notamment.

Avant de changer drastiquement l'organisation des maternités pour pouvoir proposer le déclenchement systématique à 39 SA aux patientes, il faudrait aussi accumuler les preuves fortes d'un intérêt en termes de santé maternelle.

Enfin, il est également raisonnable de penser que les patientes pourraient ne pas accepter si facilement une proposition de déclenchement systématique à 39 SA, ce qui médicaliserait cet évènement naturel censé survenir spontanément qu'est l'accouchement.

exergue : Les patientes pourraient ne pas accepter si facilement cette proposition, qui médicalise un évènement naturel censé survenir spontanément

*Service de gynécologie-obstétrique, CHU de Bordeaux
(1) Grobman WA et al. Labor Induction versus Expectant Management in Low-Risk Nulliparous Women. N Engl J Med. 2018 Aug 9;379(6):513-23

Dr Hugo Madar*, Pr Loïc Sentilhes*

Source : Bilan Spécialiste