Surveillance du cancer du col

Le dépistage dans les situations complexes

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Publié le 23/06/2023
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À côté de la ligne directrice donnée par la HAS sur le dépistage du cancer du col, les praticiens sont amenés à gérer des situations non abordées, souvent faute de données suffisantes de la littérature.
La vaccination peut être proposée après conisation

La vaccination peut être proposée après conisation
Crédit photo : GARO/PHANIE

Depuis les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), publiées en 2018, les modalités de dépistage du cancer du col de l’utérus varient en fonction de l’âge des femmes : cytologique tous les trois ans entre 25 et 29 ans et dépistage primaire fondé sur le test HPV de 30 à 65 ans. Si le test HPV réalisé trois ans après le dernier test cytologique normal est négatif, ce qui est globalement le cas dans 90 % de la population, le dépistage est espacé tous les cinq ans. Si le test HPV est positif, un triage cytologique réflexe est réalisé sur le liquide de prélèvement.

Une cytologie anormale conduit à réaliser une colposcopie et la prise en charge adaptée est celle indiquée dans les recommandations du frottis anormal. Si la cytologie est négative, la patiente doit être reconvoquée un an plus tard pour un second test HPV. Positif, il fait indiquer une colposcopie, négatif, il permet de repasser au rythme d’un test tous les cinq ans.

L’espacement du dépistage à cinq ans pour les femmes HPV ne concerne pas celles ayant des symptômes (métrorragies provoquées, colposcopie nécessaire) ou un antécédent de CINhg traité (test HPV à trois ans).

Cependant, le test HPV manque de spécificité. Pour les femmes HPV+ avec cytologie positive, on observe, au début du programme de dépistage, une augmentation du nombre de colposcopies, dont plus de 30 % sont normales.

Aussi, les praticiens peuvent s’aider d’outils d’aide à la décision, comme le génotypage. D’autres outils plus spécifiques sont en cours d’évaluation : des marqueurs moléculaires et, plus récemment, des modèles neuronaux et « machine learning », qui prennent en compte d’innombrables paramètres et d’images et qui devraient permettre dans un avenir proche d’assister les praticiens, notamment dans la prise en charge des situations complexes.

Après conisation pour une lésion de haut grade

Les femmes suivies après conisation pour une lésion de haut grade sont à risque d’en développer une de nouveau (X 3 à 5) ainsi qu’un cancer du col (X 5 à 6), comparées aux femmes non conisées. Il s’agit d’une situation fréquente, qui concerne quelque 30 000 femmes par an en France.

Le suivi cytologique manque de sensibilité, celui par test HPV permet d’accroître la sensibilité à détecter une CINhg persistante ou récidivante, sous réserve de connaître le type d’HPV avant et après conisation. Un test négatif six à neuf mois après la conisation a une forte valeur prédictive négative (98 %) et permet d’espacer le suivi tous les trois ans. La persistance d’un même génotype viral est en revanche annonciatrice d’un risque de récidive précoce (trois à cinq ans). La présence d’un autre génotype viral, qui témoigne donc de l’élimination du virus initial mais d’une nouvelle exposition par un autre génotype à risque est quant à elle associée, en cas de persistance prolongée, à un risque de récidive tardive.

C’est pour limiter ce risque de nouvelle contamination par un autre HPV que la vaccination est proposée (hors recommandations et hors remboursement) chez les femmes adultes après conisation. Selon les données disponibles, qui doivent être confirmées, cette approche permettrait d’apporter une protection additionnelle de 50 à 70 %.

Autres situations qui ne sont pas prises en compte dans les recommandations : le dépistage chez les femmes de moins de 25 ayant débuté tôt leur vie sexuelle ou celles de plus de 65 ans avec antécédents d’infection par le HPV, ou ayant un ou des nouveaux partenaires. Chez une femme jeune à risque, une anomalie cytologique devrait conduire à réaliser une colposcopie. Chez une femme de plus de 65 ans, il faut tenir compte du contexte et de ses antécédents d’HPV ou frottis anormaux avant d’abandonner le dépistage.

Délivrer un message clair

Dans le cadre du suivi, les CIN 1 ne sont pas traitées d’emblée mais éventuellement après un délai de deux à trois ans, en raison de la possibilité d’une régression spontanée. Le message délivré à la femme doit être clair, afin d’éviter de l’inquiéter. Le laser, qui permet de régler le problème dans près de 90 % des cas, peut être proposé.

De même, en cas de lésions CIN 2 chez une femme de moins de 25 ans, qui ne sont pas à haut potentiel évolutif, la stratégie dépendra de la perception et du vécu.

Lorsque la colposcopie n’est pas contributive (jonction non vue, col sténosé, inflammatoire, lésion large...) ou qu’elle est normale mais que le test HPV persiste à être positif, on peut s’aider d’outils de persistance génotypique. Il ne faut pas non plus hésiter à explorer le vagin et faire un curetage de l’endocol.

Enfin, en présence d’une lésion CIN 2 et d’un test HPV négatif, une relecture des lames est préconisée, car une surinterprétation est toujours possible. Il faut aussi savoir évoquer un test HPV faussement négatif (1 à 2 % des cas) ou une vraie lésion de haut grade liée à un HPV rare, non identifié dans le test utilisé.

Entretien avec le Dr Joseph Monsonego, Paris 

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste