Depuis quelques années, l’utilisation du lymphocyte T comme « outil » thérapeutique est explorée dans l’ensemble des pathologies hématologiques. Néanmoins, le ciblage des récepteurs des points de contrôles immunitaires (anticorps monoclonaux anti-PD1 ou anti-PDL1), exprimés par les lymphocytes T et visant à les réactiver, a montré ses limites. Ainsi, les stratégies s’orientent aujourd’hui soit vers le recrutement in vivo des lymphocytes T antitumoraux par des anticorps bispécifiques, soit vers la modification du lymphocyte T lui-même (les CAR-T cells) afin de lui conférer un avantage significatif de reconnaissance de la cible tumorale et d’activation. Alors que ce duel stratégique n’a pas vraiment commencé, les CAR-T cells ont, cette année encore, marqué des points…
Quatre thérapies cellulaires disponibles
Une première autorisation de mise sur le marché a été octroyée à l’idecabtagene vicleucel (Abecma) dans le myélome multiple, après au moins trois lignes de traitement. L’étude de phase II récemment publiée dans cette indication (1) met en évidence 73 % de taux de réponse, dont 33 % de réponse complète (RC) [79 % des patients ayant une maladie résiduelle indétectable]. Les médianes de durée de réponse, survie sans progression (SSP) et survie globale atteignaient respectivement 10,7 mois, 8,8 mois et 19,4 mois. Même si aucun plateau n’est observé, ces résultats, obtenus dans une maladie incurable et une population de mauvais pronostic, sont importants et conduiront à une modification des pratiques. Si le myélome illustre bien le progrès apporté par cette stratégie thérapeutique en 2021, il faut rappeler que l’onco-hématologie vie une véritable révolution depuis deux ans, avec aujourd’hui quatre CAR-T cells approuvés en France (Kymriah, Yescarta, Tecartus et Abecma) dans cinq hémopathies malignes en rechute ou réfractaire : leucémie aiguë lymphoblastique, myélome multiple, lymphome diffus à grandes cellules B, à cellules B du manteau, et folliculaire. En 2021, Tecartus a bénéficié du feu vert des autorités pour son utilisation dans le lymphome à cellules B du manteau après avoir montré, en traitement de troisième ligne, un taux de RC de 67 % et une SSP à un an de 61 % (2).
Concernant le lymphome folliculaire, même si les résultats restent préliminaires, les taux de RC et de durée de réponse sont prometteurs. L’autorisation de cohorte obtenue par Kymriah permet d’envisager un prochain accès à cette stratégie, chez les patients en rechute. Enfin, si jusqu’à présent les CAR-T cells étaient réservées aux patients de moins de 25 ans atteints de leucémie aiguë lymphoblastique en rechute ou réfractaire, les résultats positifs de Tecartus ont été confirmés chez les plus de 25 ans, avec 71 % de RC et 18 mois de médiane de survie.
Face à ce succès, l’heure est aujourd’hui à une meilleure compréhension des mécanismes de résistance et au développement d’alternatives moins pourvoyeuses de toxicité et plus accessibles que ces CAR-T cells autologues. Les voies explorées sont les CAR-T cells ciblant plusieurs antigènes tumoraux, les CAR-T cells allogéniques ou encore les CAR-NK cells.
Une autorisation requise
Par ailleurs, ces thérapies cellulaires nécessitent : des capacités de prélèvement et de conditionnement des cellules autologues, une pharmacie accréditée pour la délivrance de ces médicaments et un environnement médical spécifiquement dédié. De plus, chaque centre doit être autorisé à les utiliser par l’Agence régionale de santé et par l’industriel les commercialisant. Malgré ce lourd dispositif, aujourd’hui 32 centres répartis dans l’ensemble des régions françaises disposent de cette autorisation. On peut saluer nos institutions, tant locales (nos établissements) que nationales (Agence nationale de sécurité sanitaire et Haute Autorité de santé) d’avoir répondu au défi de la mise en œuvre rapide de ces traitements et à nos groupes coopérateurs de recherche clinique d’avoir uni leurs efforts pour la mise en place d’un registre nationale (DESCAR-T). Aujourd’hui, la France est un exemple pour nos collègues européens en termes d’accès aux CAR-T cells. C’est le pays européen avec le plus grand nombre de patients ayant bénéficié de ces traitements (près de 1000 fin septembre 2021).
Des anticorps bispécifiques à l’essai
Dans le même temps, se développent les anticorps monoclonaux bispécifiques, recrutant les lymphocytes T via CD3 et la cellule maligne via un antigène tumoral. Dans les lymphomes et le myélome, les essais sont les plus avancés, avec des taux de réponse approchant ceux des CAR-T cells. Il est néanmoins trop tôt pour prédire quelle sera la place de ces anticorps. Les anti-CD3xCD20, dans les lymphomes B, et les anti-CD3xBCMA devraient être évalués l’année prochaine en phase III, en cas de rechute. Ces molécules ont l’avantage d’être disponibles et de pouvoir être d’administrées dans la plupart des centres. Concernant leur tolérance, les effets indésirables observés sont finalement assez proches de ceux des CAR-T cells, au prix d’un traitement plus prolongé.
CHU de Montpellier
(1) Munshi NC et al. N Engl J Med 2021;384:705-16
(2) Wang M et al. N Engl J Med 2020;382:1331-42
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?