LA RECHERCHE MÉDICALE de pointe puise parfois l’inspiration dans des remèdes ancestraux. Ainsi des chercheurs de l’institut des maladies immunes à Boston se sont intéressés de très près aux propriétés de l’halofuginone (HF), un composé utilisé en médecine traditionnelle chinoise. Tirée des racines d’hortensias, l’HF fait en effet partie des 50 plantes médicinales fondamentales en herboristerie asiatique. La molécule avait déjà montré des résultats encourageants dans la sclérodermie, sans que le mécanisme d’action soit pour autant bien clair. L’équipe de Anjana Rao vient ainsi de mettre en lumière dans leurs travaux que la molécule agit de manière sélective sur des médiateurs clefs de l’inflammation auto-immune, les cellules T helper 17 (Th 17). Alors que l’HF faiblement concentré inhibait la différenciation de cellules T murines en cellules Th17, la spéciation en Th1, Th2 et T régulatrices n’était modifiée en rien pour le même dosage.
La réponse à la privation en acides aminés.
Comment s’exerce l’effet inhibiteur de l’HF ? De façon curieuse, il ne passe pas par la signalisation classique de l’IL6 et du TGF bêta, qui sont les deux principales cytokines responsables de la différenciation en Th17. En revanche, en étudiant des cellules Th17 traitées par le HF, les chercheurs ont remarqué qu’il existait une surexpression de 81 gènes annotés. Là, ils se sont aperçus que ce profil génétique était caractéristique de la réponse à la privation en acides aminés (RPAA). Il existerait donc une autre voie d’activation à la RPAA que la carence en acides aminés. Cela étant, si la voie d’activation est différente, la réponse ne se limite pas aux cellules Th17 et reste ubiquitaire, entraînant des réactions enzymatiques sur les fibroblastes et les cellules épithéliales.
De plus, afin de s’assurer que la RPAA a bien les mêmes effets quelle que soit son origine, Anjana Rao et ses collaborateurs ont vérifié que la situation de carence en acides aminés entraîne aussi une inhibition de la différenciation des cellules T. En bloquant cette voie par un excès d’acides aminés, l’ajout d’HF dans une culture cellulaire restait sans effet. La RPAA s’avère ainsi nécessaire à l’activité inhibitrice de l’HF.
Comme l’inhibition due à l’HF est sélective, il est raisonnable d’envisager l’utilisation de la molécule en thérapeutique. Ce d’autant que les chercheurs ont aussi constaté cette sélectivité in vivo dans deux modèles murins d’encéphalomyélite auto-immune. De faibles doses d’HF ont en effet réduit la sévérité et la fréquence de la pathologie en inhibant spécifiquement les cellules Th17. La RPAA induite par l’halofuginone protégerait ainsi des effets néfastes de l’inflammation, en particulier de ceux médiés par les cellules Th17 de l’auto-immunité.
Science, volume 324 : 1 334-38 ; édition en ligne du 5 juin 2009.
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