Maladies auto-immunes : comment les cellules CAR-T fonctionnent en coulisses

Par
Publié le 14/05/2024
Article réservé aux abonnés

Les maladies auto-immunes constituent un nouveau champ d’application prometteur des cellules CAR-T, ces lymphocytes T modifiés pour exprimer des récepteurs antigéniques chimériques. Leur fonctionnement présente des caractéristiques distinctes de celles observées dans les cancers hématologiques, selon les premiers résultats d’un essai chinois.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

À l’université des sciences et des technologies de Wuhan, en Chine, un essai clinique de phase 1 est en cours pour adapter aux pathologies auto-immunes chroniques la technologie des cellules CAR-T, ces lymphocytes T modifiés pour exprimer des récepteurs antigéniques chimériques. Ces cellules auraient un comportement différent de celles utilisées en oncologie jusqu’à présent, à en croire les chercheurs qui ont exploité les données des cinq patients traités dans l’essai pour une maladie du spectre de la neuromyélite optique (NMOSD), une maladie auto-immune rare du système nerveux central (SNC). Les résultats sont publiés dans Science Immunology le 10 mai.

L’essai chinois a évalué une thérapie CAR-T ciblant l’antigène de maturation des cellules B (BCMA), qui est exprimé par les plasmablastes et les cellules du plasma dans la NMOSD réfractaire. Si les cellules CAR-T ont été historiquement développées dans les cancers hématologiques, plusieurs essais ont déjà testé la thérapie cellulaire dans des cas réfractaires de maladies auto-immunes (lupus, sclérodermie, dermatomyosite). Certaines, comme la NMOSD, sont dépendantes des lymphocytes B et la déplétion en cellules B par anticorps anti-CD19/CD20 s’est révélée hautement efficace. L’approche des cellules CAR-T pourrait réinitialiser le système immunitaire.

Dans ce travail, les chercheurs ont constaté que les cellules CAR-T anti-BCMA ont la faculté de traverser la barrière hématoencéphalique ; et ces propriétés de chimiotactisme sont favorisées par l’expression de CXCR3 dans les clones endogènes. L’expansion cellulaire est plus importante et plus précoce que celle des CAR-T employées dans d’autres indications et elle est associée à une action anti-inflammatoire dans le liquide céphalorachidien. L’équipe a également noté que ces cellules CAR-T présentaient une activité cytotoxique inférieure à celle de cellules CAR-T utilisées pour traiter un myélome ou un lymphome à cellules B.

Risque de dysfonctionnement précoce

« Nous apportons des preuves pour que les cellules CAR-T soit développées dans le traitement de l’auto-immunité du SNC avec une expression enrichie de CXCR3 », soulignent les auteurs.

Sur les cinq patients traités, un seul a connu une rechute, avec une baisse de l’acuité visuelle dans l’œil droit après 45 jours de traitement. Toutefois, ce patient a continué, comme les quatre autres, à présenter une amélioration progressive de ses fonctions neurologiques au cours des 15 mois qu’a duré le suivi.

Après la perfusion, le profil des clones de cellules CAR-T évolue de façon dynamique, avec une fréquence élevée de cellules CAR-T CD4+ au phénotype Treg-like lors du pic ; les CAR-T CD8+ acquièrent de leur côté, lors de la phase de rémission, des caractéristiques de l’immunité innée en exprimant des récepteurs NK, ce qui pourrait être à l’origine d’une dysfonction précoce plutôt qu’un épuisement fonctionnel.

Si les CAR-T exprimaient des niveaux élevés de gènes liés à l’inflammation et à la cytotoxicité juste après leur injection, ces derniers ont progressivement diminué lors de l’expansion des clones endogènes. Il y a d’ailleurs eu moins de syndrome de relargage des cytokines par rapport à ce qui est observé dans d’autres indications.

« L’expansion des CAR-Treg est une caractéristique unique des cellules CAR employées pour traiter l’auto-immunité qui nécessite une validation dans des cohortes de population plus importantes », précisent les auteurs soulignant aussi qu’au bout d’un certain temps, ces cellules présentent des caractéristiques de dysfonctionnement précoce. « Nos résultats fournissent un éclairage unique sur les mécanismes in vivo des cellules CAR-T chez les patients avec auto-immunité du SNC, ce qui pourrait guider de futures études pour optimiser l’immunothérapie », écrivent les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr