BPCO : une première piste pharmacologique pour réduire la mortalité

Publié le 19/11/2015

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Des chercheurs français décrivent dans la dernière édition du « Journal of Allergy and Clinical Immunology » une première cible thérapeutique qui pourrait aider à réduire la mortalité associée à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

Les traitements actuels sont symptomatiques

Si les résultats menés in vitro sont confirmés chez l’homme, cette découverte pourrait « révolutionner » la prise en charge de la BPCO, explique l’auteur senior de l’étude, le Pr Patrick Berger, du CHU de Bordeaux. En effet, les médicaments disponibles aujourd’hui, s’ils permettent de soulager les patients, ne réduisent pas leur mortalité, comme l’ont déjà montré plusieurs essais. Or, rappelle le Pr Berger, en cette journée mondiale de la BPCO, « d’ici 2030, il s’agira de la quatrième cause de mortalité dans le monde ».

Depuis plusieurs années, son équipe s’intéresse à l’implication éventuelle des fibrocytes – cellules souches issues de la moelle osseuse – dans les exacerbations liées à la BPCO. En effet, les fibrocytes sont déjà impliqués dans l’aggravation d’autres pathologies respiratoires, comme l’asthme et la fibrose pulmonaire, au cours desquelles ils passent dans le sang pour atterrir dans les voies aériennes, qu’ils contribuent à dégrader.

Augmentation massive de fibrocytes pendant les exacerbations

Dans leurs travaux, les chercheurs ont d’abord mesuré la concentration sanguine en fibrocytes de 65 patients BPCO durant une exacerbation, chez des individus avec une BPCO stable (sans exacerbation depuis au moins un an) et chez des sujets contrôles (sans BPCO).

Ils ont observé une augmentation massive de la concentration en fibrocytes au cours des exacerbations. « On multiplie quasiment par 3 le nombre de fibrocytes sanguins de ces patients, alors que le taux sont plus ou moins semblables chez les patients stables et les contrôles » indique le Pr Berger, qui précise que 2 mois après les exacerbations, les taux de fibrocytes avaient à nouveau diminué chez ces patients, « prouvant que le recrutement est temporaire ». Les fibrocytes semblent donc bel et bien impliqués dans la maladie.

Association entre fibrocytes et mortalité

En suivant les participants sur plusieurs années, les auteurs ont pu démontrer une forte association entre l’augmentation de la concentration en fibrocytes et la mortalité. « Plus la concentration en fibrocytes était élevée, plus le pronostic était mauvais, constituant même un indice de mortalité à trois ans », résume le Pr Berger. Mais également, « plus il restait de fibrocytes 2 mois après une exacerbation, plus la fonction respiratoire était dégradée ».

En attendant de pouvoir démontrer un éventuel lien de causalité, les auteurs ont étudié, in vitro, les mécanismes de la migration des fibrocytes vers les bronches. Celle-ci serait médiée par l’activation de récepteurs aux chimiokines sur les fibrocytes, les CXCR4, qui semblent beaucoup plus sensibles aux ligands chez les patients BPCO que chez les contrôles.

L’étape d’après a évidemment consisté à bloquer ces récepteurs CXCR4, à l’aide d’une molécule déjà sur le marché, le plorixafor. « Nos résultats in vitro le montrent : en bloquant les récepteurs, on supprime la migration », indique le Pr Berger, qui s’apprête à étudier l’effet de cette inhibition chez l’animal. « Puis il restera l’étape clé – montrer que le blocage de ces récepteurs chez les patients est capable d’éviter les conséquences supposées de ce recrutement de fibrocytes, sur la mortalité et sur le déclin de la fonction respiratoire. Si cette stratégie permet de diminuer la mortalité, ce sera juste une première mondiale ».

L’équipe a déjà déposé un brevet pour protéger ses travaux.

Clémentine Wallace

Source : lequotidiendumedecin.fr