Aminosides injectables

Comment optimiser les prescriptions

Publié le 27/01/2011
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LES AMINOSIDES font l’objet d’une littérature riche, ancienne et récente, dont certains résultats n’ont pas toujours exploité par certains prescripteurs. Ceci, « malgré toutes les connaissances accumulées en termes d’optimisation de leur prescription en fonction de la relation Pk/Pd », constate le Dr Gauzit. L’inadéquation des prescriptions mise en évidence par des enquêtes d’utilisation concerne autant la posologie – 40-60 % des cas, avec de fréquents sous-dosages –, que le rythme d’administration – pluriquotidien dans 40 à 50 % des cas –, les durées de traitement – trop longues dans environ 50 % des cas – et les dosages plasmatiques de l’antibiotique – souvent inappropriés.

Un risque accru de toxicité.

Les conséquences de cette utilisation inappropriée ne sont pas négligeables. On sait, par exemple, que les traitements excédant 5 à 7 jours augmentent le risque de toxicité rénale et de toxicité auditive et vestibulaire, la première étant réversible, mais pas la seconde. Et, même s’il n’existe pas de données spécifiques sur la relation consommation/résistance aux aminosides, on peut logiquement estimer que leur mésusage favorise l’apparition de ces résistances. « Les résistances acquises aux aminosides sont généralement d’origine plasmidique, dues à des gènes codant des enzymes qui modifient la structure de l’antibiotique », rappelle le Dr Gauzit. Ce mécanisme confère une résistance d’emblée de haut niveau. Les résistances aux aminosides sont assez fréquentes : leur activité contre les souches productrices de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) est de l’ordre de 40 % à 50 % pour la gentamicine et de 60 % pour l’amikacine.

À l’heure actuelle, les aminosides injectables sont pratiquement toujours utilisés en association, sauf dans certaines infections néonatales et urinaires. L’un des objectifs est la recherche d’une synergie bactéricide dont le bénéfice réel repose essentiellement sur des données in vitro alors que les avantages des associations sont difficiles à mettre en évidence en clinique (nombreux facteurs confondants). Le Dr Gauzit souligne que « continuer à prescrire les aminosides en association est cependant justifié dans le cadre d’un traitement probabiliste, c’est-à-dire quand le germe et a fortiori sa sensibilité et sa CMI ne sont pas connus ». Mais dans la quasi-totalité des situations, rien ne justifie, en termes de balance bénéfice/sécurité d’emploi, de prolonger un traitement plus de 48 à 72 heures.

Les modalités de prescription.

Les aminosides sont des antibiotiques concentration-dépendants pour lesquels il existe donc une corrélation entre l’augmentation des concentrations in vivo et la bactéricidie. Ils se caractérisent aussi par un effet postantibiotique prolongé et par une résistance adaptative à la première dose, réversible en 24 heures. Un ratio concentration maximale Cmax/CMI (quotidien inhibiteur) égal ou supérieur à 8 ou 10 garantit une efficacité maximale, explique le Dr Gauzit. « Pour obtenir cette optimisation Pk/Pd, la seule façon est d’utiliser une dose unique journalière (DUJ) et non les deux à trois doses quotidiennes recommandées dans le Vidal, ainsi qu’une très forte posologie initiale. Paradoxalement, avec la DUJ, on a vraisemblablement une moindre toxicité rénale et on ne modifie pas la toxicité auditive et cochléaire ». De plus, « le risque de résistance adaptative est atténué par l’allongement de la durée entre deux administrations de l’aminoside ». À noter que l’EUCAST (European Comittee on Antimicrobial Susceptibility Testing) a récemment modifié les CMI critiques (breakpoints).

Les aminosides sont des molécules hydrosolubles. De ce fait, dans toutes les situations où le volume de distribution est augmenté (brûlés, patients d’hématologie ou de réanimation, choc septique, mucoviscidose…), il faut utiliser les doses maximales pour atteindre un quotient inhibiteur ≥ 8-10, indique le Dr Gauzit ; soit 7 à 8 mg/kg au lieu des 3 mg/kg préconisés dans le Vidal pour la gentamicine et la tobramycine et 20-25, voire 30 mg/kg au lieu de 15 pour l’amikacine. Chez les insuffisants rénaux, si un traitement par aminosides est absolument nécessaire, « ils doivent être utilisés avec les mêmes objectifs Pk/Pd, donc avec une posologie initiale identique à celle des patients ayant une fonction rénale normale ». Dans cette population de malades, l’adaptation des posologies se fait uniquement sur l’intervalle entre deux injections calculé sur la clairance de la créatinine ou sur les dosages plasmatiques, et il faut surtout privilégier les traitements courts.

En ce qui concerne les autres terrains particuliers, chez les sujets âgés, l’adaptation posologique se fait non pas sur l’âge, mais sur l’état de leur fonction rénale. Chez les obèses, elle doit être calculée en fonction du poids corrigé (poids idéal théorique + 0,43 x surcharge pondérale).

Quand réaliser des dosages plasmatiques ?

La surveillance des concentrations sériques est inutile lors des traitements de trois jours ou moins, y compris dans les cas d’insuffisance rénale avec une clairance de la créatinine supérieure à 60 ml/min. En revanche, chez les patients sévères, en particulier ceux susceptibles de présenter une augmentation du volume de distribution, « on a intérêt à faire un dosage après la première injection pour vérifier qu’il n’y a pas de sous-dosage. Pour être interprétable, ce dosage du pic plasmatique doit être réalisé 30 minutes après la fin de la perfusion qui, elle-même, doit durer 30 minutes », insiste le Dr Gauzit. Pour des traitements qui excèdent 5 jours, un deuxième contrôle à 48 heures est conseillé. La toxicité n’étant pas liée au pic, mais à la résiduelle, celle-ci doit être dosée au troisième jour – et deux fois par semaine – en cas de traitement de plus de 5 jours ou en présence d’une insuffisance rénale.

* D’après un entretien avec le Dr Rémy Gauzit, unité de réanimation Sainte-Marthe, CHU Hôtel Dieu.

 Dr CATHERINE FABER
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Source : Bilan spécialistes