Courrier des lecteurs

Covid-19 : le plaquetil est-il vraiment la solution ?

Publié le 07/04/2020

Il y a quelques jours de cela, notre confrère le Dr Simler dans la rubrique courrier des lecteurs (édition du 31/3 du Quotidien : « À quand le Plaquenil 200 mg disponible en pharmacie ? ») exhortait les pouvoirs publics à favoriser la prescription de Plaquenil chez les médecins libéraux.

Le plaquenil est un excellent traitement pour certaines pathologies auto-immunes (cas du lupus). Cependant, même si les médias ne cessent de louer ce traitement qui pourrait avoir une action sur le Covid-19, il faut savoir que nous n’avons pas suffisamment de recul pour avoir la certitude quant à l’efficacité de ce traitement. Accepter de le délivrer à une grande échelle, c’est aussi favoriser l’apparition d’effets indésirables non négligeables pour un traitement qui n’est pas nécessairement à la hauteur de nos espérances.

Les COX2, un précédent fâcheux

Je me rappelle très bien il y a quelques années de cela de la saga des COX2.A cette époque, le premier COX2 (rofécoxib) avait été mis sur le marché en Suisse, et de nombreuses associations de patients avaient manifesté pour très rapidement demander sa commercialisation en France. Le scandale de ce « retard à l’allumage » avait été relayé par divers journalistes qui répétaient l’innocuité de ce traitement pour l’estomac, et sa supériorité par rapport aux autres AINS.

Le pouvoir de la rue et des médias étant très important voire même colossal, le vœu de ces partisans a été exaucé, et cette molécule a été mise sur le marché rapidement. Il s’est avéré que cet AINS n’était pas à la hauteur des espérances. Pire, il a dû être retiré du marché (retrait mondial) du fait de sa toxicité cardiovasculaire.

Comme quoi, avant d’accepter l’utilisation d’un médicament il faut connaître le rapport utilité/effets indésirables avant de regarder uniquement les chroniques des médias, et les débats contradictoires de confrères. On a l’impression dans le cas du Plaquenil d’assister à des querelles de marchands de tapis ; querelles favorisées par l’incertitude et la morosité ambiante.

La santé de nos concitoyens nécessite une prise de décision réfléchie et responsable ; pas seulement une décision sur un coup de tête. De plus, cette guerre entre collègues risque d’avoir un effet boomerang, et réduire la crédibilité des médecins.

C’est aux pouvoirs publics de prendre les bonnes décisions en toute honnêteté, et sans balbutiements sur ce sujet. Malheureusement les propos des politiques restent quelque peu contradictoires et assez malhabiles. Cela n’arrange pas nécessairement la problématique de la gestion de cette pandémie, et les dérives engendrées par ces hésitations.

« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » Camus A.

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin