Contrairement à ce que laissent penser les statistiques officielles, l'Afrique n'a pas été épargnée par le Covid-19. Le Sars-CoV-2 y a circulé fortement, touchant entre 20 et 50 % de la population, mettent en lumière des travaux internationaux financés par l'Agence française de développement (AFD) et l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes.
Déjà en avril 2022, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) remettait sérieusement en question le fait que le continent africain n'ait recensé que 4 % des cas de Covid à l'échelle mondiale (alors qu'il représente plus de 30 % de la population mondiale). Selon une méta-analyse de l'agence onusienne (portant sur 151 études entre janvier 2020 et décembre 2021), jusqu'à 65 % des Africains ont en effet été infectés ; et le nombre réel de cas serait 97 fois plus élevé que le nombre officiel.
Plus de la moitié de la population touchée
Afin d’évaluer la diffusion réelle du virus sur le continent africain, les chercheurs impliqués dans les études Ariacov (Cameroun) et Covepigui (Guinée) ont mené des enquêtes de séroprévalence en population générale de façon répétée en fonction des différentes vagues épidémiques. Les résultats ont été respectivement publiés dans les revues « Emerging Infectious Diseases » et dans « Open Forum Infectious Diseases ».
La méthode pour l’analyse des anticorps dirigés contre le Sars-CoV-2 était similaire dans tous les pays avec un test permettant d’identifier les anticorps dirigés à la fois contre la protéine Spike et contre la protéine de nucléocapside N du virus. Le critère de positivité est défini par la présence d’anticorps dirigés contre ces deux parties du virus, permettant ainsi de distinguer la réponse immunitaire due à l’infection naturelle de celle due à la vaccination (présence d’anticorps anti-Spike seulement).
Le Cameroun (où le Centre de recherche sur les maladies émergentes et réémergentes [Cremer] a travaillé avec l’unité de recherche TransVIHMI [IRD/Université de Montpellier/Inserm]) et la Guinée (où les travaux ont été pilotés par le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée [Cerfig]) présentent des résultats semblables. Sur la période allant de décembre 2020 et juin 2021, le virus a touché 18,6 % de la population à Yaoundé (Cameroun) et 17,3 % à Conakry (Guinée) après la première vague, et 51,3 % à Yaoundé et 42,4 % à Conakry après la deuxième vague.
Plus précisément, les enquêtes ont été conduites pour le Cameroun fin janvier-début février 2021 et fin avril-début mai 2021. Les résultats étaient semblables entre les hommes et les femmes, et la séroprévalence était plus marquée chez les adultes de plus de 20 ans.
En Guinée, ce sont trois sondages qui ont été menés pour étudier la séroprévalence, en décembre 2020 (17,3 %), en mars-avril 2021 (28,9 %) et en juin 2021 (42,4 %), avec une augmentation observée dans chaque classe d'âge, notamment chez les plus de 40 ans, quel que soit le sexe, confirmant une circulation dans toute la communauté.
Une population jeune et des structures de santé lacunaires
La différence est donc immense entre les résultats des études et le nombre de cas déclarés. Ainsi, le Cameroun recensait officiellement 106 749 cas en novembre 2021, alors que ce serait plus de 2 millions de personnes qui auraient été touchées. En Guinée, les 23 543 cas officiels sont bien loin des 700 000 cas minimum estimés en juin 2021.
Un tel contraste s'explique, selon les chercheurs, par la fréquence de cas asymptomatiques au sein de populations globalement jeunes. La faiblesse des infrastructures sanitaires et un accès difficile aux tests diagnostics pourraient aussi entrer en ligne de compte.
Adapter les politiques vaccinales
Des nouvelles études devraient mesurer la diffusion du Sars-CoV-2 après la vague Omicron. Selon certaines projections, il se pourrait que plus de 60 à 70 % de la population étudiée ait pu être infectée par les différents variants du Sars-CoV-2.
« Les résultats de ces études apportent des informations nécessaires aux autorités sanitaires nationales. Ils leur permettront de formuler des recommandations sanitaires et des politiques de vaccination adaptées à leur contexte sanitaire prenant en compte cette diffusion massive du virus en population générale, commente Éric Delaporte (TransVIHMI, Université de Montpellier), coordinateur de l’étude Ariacov. En effet, en fonction de la situation propre à chacun de leur pays, ces derniers pourraient par exemple opter pour le déploiement d’une campagne de vaccination dirigée en priorité vers les personnes les plus vulnérables afin d’éviter notamment la contraction de formes graves de la maladie. »
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?