Neurologie

Covid : la SEP n’est pas un facteur de risque, mais certains traitements si

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Publié le 02/04/2021
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Avec un an de recul, il est désormais clair que la sclérose en plaques n’expose pas à un surrisque de forme sévère de Covid-19. Mais certains traitements tels que les anti-CD20 et les corticostéroïdes posent bel et bien problème. Les neurologues ont adapté la prise en charge.
Les principaux facteurs prédictifs de sévérité sont l’âge et la présence d’un handicap moteur

Les principaux facteurs prédictifs de sévérité sont l’âge et la présence d’un handicap moteur
Crédit photo : PHANIE

Prise isolément, la sclérose en plaques (SEP) ne représente pas un facteur de risque de forme grave de Covid-19. Mais plusieurs classes thérapeutiques utilisées dans cette pathologie sont associées à une augmentation de la sévérité moyenne de l’infection, ce qui a contraint les neurologues à prendre des dispositions au cours de l’année écoulée.

Une cohorte américaine (1) de 1 626 patients SEP infectés par le SARS-CoV-2 montre ainsi que les principaux facteurs prédictifs de sévérité sont l’âge et la présence d’un handicap moteur. « Ces facteurs de risque ne sont pas spécifiques aux patients atteints de SEP », explique au « Quotidien » le Pr Jean Pelletier de l’hôpital de la Timone à Marseille et président du comité scientifique de la Fondation Arsep.

Deux classes thérapeutiques en question

Dans l’étude, les patients qui ne peuvent se déplacer sans assistance ont un risque d’hospitalisation multiplié par 2,8, un risque d’admission en soins intensifs multiplié par 3,5 et un risque de décès multiplié par plus de 25. Chaque tranche d’âge de 10 ans supplémentaires augmente de 30 % le risque d’hospitalisation et de ventilation mécanique et de 80 % le risque de décès.

Mais un autre facteur de risque de gravité est identifié dans l’étude : la prise de corticostéroïdes. Ce dernier résultat est une confirmation de ce qui avait été observé dans l’étude italienne Musc-19 (2) menée sur 844 patients. La prise récente de méthylprednisolone (moins d’un mois) mais aussi d’un traitement par anti-CD20 (ocrelizumab ou rituximab) y était associée à un risque de Covid sévère multiplié par 2,37. Une étude française (3) a aussi conclu à un surrisque de Covid sévère en cas de traitement de fond (46 versus 15,5 %), sans parvenir néanmoins à un résultat statistiquement significatif faute de puissance. Une nouvelle analyse rassemblant les données italiennes et françaises est en cours.

« Il faut garder en tête que, dans les trois études, les formes graves restent très minoritaires et que les taux de décès sont relativement faibles, entre 1,8 et 3,3 %, résume le Pr Pelletier. Il n’y a pas de surrisque pour la majorité des traitements de fond et les interférons auraient même un effet protecteur. Mais il y a deux classes qui ont un effet péjoratif sur le risque de forme grave de Covid-19 : les anti-CD20 comme le rituximab et les corticoïdes injectés à haute dose. C’est ennuyeux car il s’agit de traitements très efficaces ». Une telle association a également été observée par les rhumatologues qui utilisent également le rituximab dans l’indication de la polyarthrite rhumatoïde.

Une prise en charge perturbée par l’épidémie

Au-delà de la question des traitements, le quotidien des patients atteints de SEP a été fortement ébranlé depuis le début de l’épidémie. « Nous n’avions pas les chiffres dont on dispose actuellement. On a donc dû leur demander de prendre un maximum de précaution, se souvient le Pr Pelletier. La SEP touche généralement des sujets jeunes, qui ont souffert d’un impact prononcé sur leur scolarité, leurs études ou leur entrée dans la vie active. Il y a aussi le problème de la rupture totale de l’accès aux soins de rééducation pour les patients qui présentent un handicap sévère ».

Selon le neurologue, la prise en charge hospitalière a été compliquée par les données qui se sont accumulées en faveur d’un lien entre traitement de fond et sévérité du Covid. « Il a fallu nous réorganiser, étaler les hospitalisations pour éviter de faire prendre des risques supplémentaires, détaille-t-il. Mais cela nous a permis de découvrir qu’il est possible d’espacer les traitements à longue durée d’action au-delà des six mois recommandés ».

« Nous allons participer à une étude nationale sur la compréhension des effets de la vaccination Covid dans la population générale, en y intégrant plusieurs centaines de personnes atteintes de SEP et de maladies apparentées », ajoute le Pr Pelletier.

Compte tenu de l’effet immunosuppresseur et retardé des injections de corticoïdes, il pourrait être préconisé à l’avenir de vacciner les patients SEP à distance de la dernière injection. Les anti-CD20 agissant sur les lymphocytes B, il pourrait également être préférable de ne pas vacciner peu de temps après une perfusion.

(1) A. Salter et al. JAMA Neurology, mars 2021. doi:10.1001/jamaneurol.2020.2581
(2) M. P. Sormani et al. Annals of Neurology, janvier 2021. doi: 10.1002/ana.26028
(3) C. Louapre et al. JAMA Neurology, juin 2020. doi:10.1001/jamaneurol.2020.2581

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin