États-Unis : une épidémie liée à une encre de tatouage

Publié le 23/08/2012
1345718303366661_IMG_88178_HR.jpg

1345718303366661_IMG_88178_HR.jpg
Crédit photo : AFP

Janvier 2012 à Rochester : sur la base du signalement d’un cas par un dermatologue, une enquête est lancée sur une épidémie d’infections de la peau et des tissus mous chez des sujets ayant été tatoués dans le même salon.

Nous sommes le 4 janvier 2012. Les autorités de santé locales (Monroe County Department of Public Health) statuent à propos d’un cas signalé par un dermatologue : un homme de 20 ans, précédemment en bonne santé, présente sur un bras une éruption granulomateuse persistante après avoir été tatoué sur cette zone en octobre 2011. Cet homme avait déjà été tatoué à de multiples reprises sans problème. Dans un premier temps, il a été traité sans succès par corticoïdes avant d’être adressé au dermatologue. La biopsie a montré la présence de Mycobacterium chelonae. Or, depuis 2003, on a décrit à plusieurs reprises une association entre tatouage et infection localisée par cette mycobactérie atypique. L’enquête est lancée.

Encre à faire les ombres

En interrogeant le cas index, on apprend que d’autres personnes ont présenté des réactions similaires après s’être fait tatouer par le même « artiste » dans le même salon. On se rend chez ce tatoueur qui explique que depuis mai 2011, il utilise une nouvelle encre noire prédiluée – ce qui donne une teinte grisée à 30, 60 ou 90 %, qui permet d’obtenir des ombres et un aspect en trois dimensions du tatouage. Il a acheté les premiers flacons de cette encre en avril 2011 chez un fournisseur d’Arizona ; puis s’est réapprovisionné quelques mois plus tard. Le conditionnement ne contient ni numéro de lot ni autre élément d’identification.

Pour repérer tous les cas d’infections, on prend 4 mesures :

– on demande au laboratoire d’anatomopathologie auquel s’adressent la plupart des dermatologues de signaler tous les cas de réaction granulomateuse associée à une encre ;

– on obtient de l’artiste la liste des clients qu’il a tatoués entre mai et décembre 2011 ;

– on contacte tous les salons de tatouage des environs : aucun n’utilise la même encre et aucun n’a eu de cas d’éruption parmi ses clients ;

– les clients exposés sont contactés et interrogés.

Il apparaît que le tatoueur du cas index observait de bonnes pratiques : instruments stériles, gants jetables propres, récipients pour encre à usage unique.

Une enquête a été diligentée par la FDA chez le fournisseur d’encre.

Infiltrats et granulomes

Au total, on a identifié 19 cas d’infection à M. chelonae associée à un tatouage : 14 confirmés, 4 probables, 1 suspecté.

Des biopsies ont été obtenues chez 17 des 19 patients ; chez 12, on a observé des infiltrats lymphohistiocytaires diffus dans le derme superficiel et des granulomes chez les 5 autres. M. chelonae a été isolé chez 14 des 17 sujets.

Les CDC ont confirmé l’isolement de M. chelonae dans 11 isolats cliniques et dans une des trois bouteilles d’encre non ouvertes (dilution à 30 %). Toutes les bouteilles d’encre prédiluée du tatoueur ont été confisquées.

Byron Kennedy et coll. New England Journal of Medicine du 23 août 2012.

 Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : lequotidiendumedecin.fr