Face au risque d’importation

Publié le 10/04/2014
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« Il faut informer sans alarmer ». Le Pr Catherine Leport du groupe SPILF-COREB (Coordination des urgences infectieuses et du risque épidémique et biologique) martèle son message face à ce qu’elle considère comme un emballement médiatique.

Dès la confirmation des cas d’infection à virus Ebola, souche Zaïre, par le Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales de l’Institut Pasteur (Lyon), le 20 mars dernier, la France a alerté l’OMS et la Commission européenne via le système EWRS (Early Warning and Response System) et a annoncé un certain nombre de mesures visant à accueillir d’éventuels cas importés.

Les établissements de santé et les SAMU - Centre 15 - ont été alertés sur l’ensemble du territoire. Le ministère de la Santé a mis en ligne sur son site* un dossier « Ebola » à l’attention des professionnels de santé avec notamment un lien sur les recommandations de la Coordination des urgences infectieuses et du risque épidémique et biologique à la Société de pathologie infectieuse de langue française (groupe SPILF-COREB). « Le document est en cours de révision. Pour l’instant c’est la procédure générique de prise en charge des patients suspects d’infection à risque épidémique et biologique qui s’applique », souligne le Pr Leport. En annexe, le module consacré aux fièvres hémorragiques telle qu’Ebola précise que les mesures d’isolement doivent être renforcées.

Un des enjeux pour les professionnels de santé est de savoir évoquer le diagnostic face à un patient présentant des symptômes compatibles dans les 21 jours (durée maximale de la période d’incubation) qui suivent le retour d’un pays où circule le virus. La maladie se caractérise par une soudaine montée de fièvre accompagnée d’asthénie, de myalgies, de céphalées ainsi que de maux de gorge. Ces symptômes sont suivis de vomissements, de diarrhée, d’une éruption cutanée, d’une insuffisance rénale et hépatique et, dans certains cas, d’hémorragies internes et externes qui peuvent être localisées (hémorragies conjonctivales) ou profuses (hématémèse et melæna). Selon l’InVS, toute personne présentant, dans un délai de 21 jours après son retour de la zone à risque*, une fièvre supérieure ou égale à 38,5 °C doit être considérée comme un cas suspect.

Toutefois, rappellent les spécialistes, il convient de ne pas méconnaître d’autres pathologies infectieuses fébriles pouvant se déclarer au retour, comme le paludisme ou la fièvre typhoïde. Le cas d’un patient contaminé par la rage au Mali et décédé la semaine dernière dans un hôpital d’Ile-de-France est, selon le Pr Éric Caumes, emblématique. « La rage est 100 % mortel. La probabilité qu’on ait un cas de rage est beaucoup plus élevée que celle d’une importation de cas d’Ebola en France. Les morsures animales chez les voyageurs sont fréquentes et les cas de rage nombreux notamment en Afrique », explique le spécialiste du service des maladies infectieuses de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et président du Comité des maladies liées aux voyages et des maladies d’importation au Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

Des hôpitaux prêts

Le Haut Conseil, saisi par le ministère de la Santé, doit d’ailleurs rendre un avis dans les prochains jours. « Concernant la prise en charge des malades, les choses sont claires. C’est la même procédure que pour les maladies émergentes et les hôpitaux de référence qui sont prêts à accueillir des patients », précise le Pr Caumes. Tout comme le Pr Leport, le Pr Caumes rappelle que le risque d’importation en France et en Europe, estimé par l’ECDC (European center for disease prévention and control) est « très faible ». « Le risque n’est pas nul. Qu’il y ait un passager embarqué dans un avion alors qu’il est en phase d’incubation et déclare la maladie quelques jours après son retour, est possible. Je rappelle qu’au moment du SRAS, il y avait parmi les passagers un médecin qui savait qu’il avait été exposé et a décidé de venir se faire soigner en France », indique le Pr Caumes. Ce type de patient n’est pas symptomatique et n’est donc pas contagieux. « La virémie commence au moment où le patient commence à être fébrile », précise le Pr Caumes.

Accident d’exposition

Le Dr Guenael Rodier, directeur de la Division des maladies transmissibles, de la sécurité sanitaire et de l’environnement au Bureau régional de l’OMS pour l’Europe insiste aussi sur le risque d’importation via le personnel soignant ou des membres d’ONG qui ont été en contact avec les patients et qui décident de venir de faire soigner en Europe. « Le virus Ebola touche des habitants des zones rurales ou des personnes qui ont de la famille dans ces zones et qui généralement prennent peu l’avion », souligne le Dr Rodier. Selon ce spécialiste, ancien directeur à Genève des maladies émergentes pour le RSI (Règlement sanitaire international) qui a eu à gérer plusieurs flambées épidémiques d’Ebola, le risque dans ce cas est un risque d’accident d’exposition aux fluides des patients. « Si patient ne prévient pas qu’il est malade - ou ne sait pas qu’il l’est, une infirmière peut se contaminer lors d’une prise de sang ou en prélevant des selles », relève-t-il. Autre éventualité mentionnée par le Dr Rodier, le cas d’un patient opéré en urgence. « Lors d’une opération chirurgicale, des aérosols de sang peuvent être projetés sur les conjonctives qui constituent une porte d’entrée importante si l’équipe ne porte pas de lunettes. Ce qui est rarement le cas lors d’une opération courante ». Le Dr Rodier exclut en revanche tout risque d’épidémie en France ou en Europe.

Dr Lydia Archimède

Source : Le Quotidien du Médecin: 9317