« Pour la période de janvier, il ne nous reste pas grand-chose », résumait la Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une table ronde sur les traitements contre le Covid-19, organisée par la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 5 janvier.
L’arrivée d’Omicron a en effet changé la donne, une partie des traitements disponibles contre le Covid-19 se révélant inefficaces face à ce nouveau variant, dont les multiples mutations sont associées à un échappement immunitaire. Les autorités sanitaires ont ainsi restreint l’arsenal thérapeutique mobilisable.
Le sotrovimab disponible dès fin janvier
Trois traitements par anticorps étaient jusqu’ici autorisés : le Ronapreve de Roche (casirivimab/imdevimab), la combinaison bamlanivimab/etesevimab d’Eli Lilly (délaissée en raison d’une perte d’efficacité face à Delta) et l’Evusheld d’AstraZeneca (tixagévimab/cilgavimab). Seul ce dernier conserve une efficacité face à Omicron. Alors qu’un essai est en cours pour évaluer son utilisation en curatif chez les patients hospitalisés, il est pour l’instant réservé à la prophylaxie pré-exposition, notamment pour les patients immunodéprimés, « victimes collatérales » et « oubliés de cette crise », selon le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la santé, qui a insisté sur la mobilisation nécessaire des professionnels de santé pour informer les patients éligibles.
Un autre anticorps monoclonal, le Xevudy de GSK (sotrovimab), pourrait également être disponible dès la fin janvier. Un avis favorable de la HAS pour une utilisation curative chez les patients à risque de forme sévère a été rendu le 7 janvier.
La présidente de la HAS est également revenue sur l’avis négatif du 10 décembre rendu par cette instance pour le Lagevrio de Merck (monulpiravir) dans la même indication, et ce malgré la position favorable de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Ce traitement « représentait un véritable espoir », mais « l’examen du dossier final déposé à la HAS comportait des incohérences qu’il a été compliqué de comprendre », avec une première partie de l’étude aux résultats positifs et une seconde aux données négatives, a expliqué la Pr Le Guludec.
Une hypothèse repose, selon elle, sur les zones géographiques des patients inclus (Amérique du Sud et Asie pour la première partie et Europe pour la seconde), où des variants différents circulaient. La décision de la HAS a également pris en compte la disponibilité, à une époque où circulait activement en France le variant Delta, d’un autre traitement, le Ronapreve, « efficace et plus performant », a-t-elle rappelé, n’excluant pas un nouvel examen du molnupiravir si d’autres données étaient produites. « Les premiers résultats n’étaient pas bons, mais on pense que les essais n’ont pas été bien faits. Il faut les continuer », a ajouté le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS – MIE, indiquant qu’une réflexion est en cours avec l’EMA pour un essai européen.
Bientôt le Paxlovid ?
Toujours pour les antiviraux, le Veklury de Gilead (remdesivir) reste un recours dans de rares indications, mais peu utilisé. Des résultats récents montrent une absence d’effet chez les patients ayant besoin d’oxygène, a relaté la Dr Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm, membre du comité directeur pour le suivi de l’essai Solidarity de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais pour « ceux qui n’ont pas encore besoin de ventilation », il permet de ralentir la progression de la maladie vers la ventilation et le décès, a-t-elle poursuivi.
L’espoir repose ainsi sur l’arrivée des antiviraux d’action directe, et notamment du Paxlovid de Pfizer (PF-07321332 et ritonavir) dans le traitement des patients à risque de forme sévère. L’antiviral est en cours d’examen : après l’avis de l’Agence du médicament (ANSM) du 10 janvier, la HAS devrait se prononcer rapidement. « Les doses ne seront pas disponibles avant fin janvier », a précisé la Pr Le Guludec. Ce traitement pourrait être accessible en ville, a ajouté le Pr Salomon.
Les autorités sanitaires s’intéressent également à l’anticorps polyclonal XAV-19 de Xenothera dans les formes modérées pour prévenir l’aggravation. Une préréservation de doses a été effectuée avec le laboratoire dans « l’idée de faciliter les contrats alors même que la production est anticipée », a expliqué le directeur général de la santé.
D’autres pistes de traitement sont explorées. L’essai multicentrique Solidarity, piloté par l’OMS, évalue l’artésunate, l’imatinib et l’infliximab. En France, l’essai Discovery s’intéresse, en plus de l’Evusheld en curatif, au baricitinib, un inhibiteur oral de la Janus kinase (JAK). Ce traitement bénéficie d’une autorisation d’utilisation d’urgence de la Food and Drug Administration pour les patients hospitalisés nécessitant une oxygénothérapie, une ventilation mécanique ou une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO), en combinaison avec le remdesivir. Il est également recommandé par l’OMS depuis le 14 janvier.
Un usage des corticoïdes à affiner
En parallèle, des progrès restent à faire sur les traitements disponibles. Concernant les corticoïdes par exemple, « on ne sait pas combien il faut en donner et pendant combien de temps. On ne sait pas non plus s’il faut moduler la quantité de corticoïdes en fonction de la gravité des malades, de leur poids, de leur taille, etc. », a relevé le Pr Jean-François Timsit, chef du service de réanimation médicale et infectieuse à l’hôpital Bichat (AP-HP), soulignant des travaux de recherche en cours sur ces questions.
Au-delà des traitements, plusieurs « manques » sont par ailleurs identifiés par le Pr Timsit pour améliorer notablement la prise en charge des patients hospitalisés. Car, si des progrès ont été réalisés depuis, les premières interventions en réanimation ont « probablement été préjudiciables, par une intensité thérapeutique qui correspondait à ce qu’on savait faire avant. On a pu avoir un effet délétère en les sursoignant », a-t-il déploré.
Parmi les pistes de recherche à explorer, le réanimateur a cité la nécessité d’ « identifier des catégories de sous-populations de patients avec un profil inflammatoire particulier qui justifierait tel ou tel traitement à tel moment de la maladie. C’est là qu’on bloque actuellement », a-t-il souligné, plaidant ainsi pour une individualisation des traitements.
Un autre manque relève des « soins intermédiaires ». Alors que les hospitalisations peuvent durer jusqu’à six mois, des « lits qui permettent une réanimation intermédiaire » avec des équipements plus légers (oxygène à haut débit, etc.) seraient à créer selon lui.
Enfin, le chef de service s’inquiète de la prévention de la contamination des soignants, le maintien en activité des soignants positifs pose un « vrai problème » : « que va-t-on faire des malades qui ont trois doses, qui sont transplantés, et très immunodéprimés ? Va-t-on les mettre en contact avec les soignants positifs ? C’est une vraie discussion à mener », a-t-il insisté.
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