Courrier des lecteurs

Hit hard and treat early !

Publié le 10/04/2020

Un principe bien vérifié avec les antiviraux les plus communs de notre pratique médicale. Le valaciclovir doit être prescrit dès les prodromes et pendant 24 heures à dose d'attaque dans la poussée d'herpes. Il doit aussi être prescrit dans les 72 heures qui suivent le début du zona du sujet âgé après 70 ans, pour prévenir le risque de survenue des algies post zostériennes. Le Tamiflu doit être prescrit « dès que possible dans les deux premiers jours suivant le début des symptômes grippaux » VIDAL].

Ainsi le comportement du SARS-Cov2 vis-à-vis de toute thérapeutique visant à stopper la réplication virale a de fortes chances d’être identique à ce que nous observons tous les jours avec les virus des autres familles. « Hit hard and hit early » : voilà un principe indiscutable. « The paradigm of Hit hard and hit early popularized for the treatment of AIDS also appears to apply to the way H5N1 avian influenza virus causes tissue damage in human infections. » (extrait de « Into the eye of the cytokine storm ». Microbiology and Molecular Biology Reviews. Jennifer R. Tisoncik, et coll)…

Donc, que penser de l'hydroxychloroquine prescrite à l'orée de la phase 2 du Covid-19, quand les signes cliniques sont déjà patents et que la pneumonie installée marque le début de la tempête de cytokines potentiellement « réanimatoire et mortelle » ? Si de plus, on pouvait « supputer » une protection apportée par l'hydroxychloroquine vis-à-vis du risque du passage vers le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère et la réanimation, il faudrait se demander si là aussi on ne risque pas d'arriver trop tard ?

Effet d'immunomodulation ?

Car l'hydroxychloroquine peut agir ici par son effet d'immunomodulation réduisant le risque d'emballement immunitaire fatal en diminuant la cascade inflammatoire, entre autres choses par diminution de l'action des toll-like récepteurs, réduisant ainsi l'activation des cellules dendritiques plasmocytoïdes, et par diminution de la production du TNF, de l'IL1 et de l'IL6, agissant en quelque sorte comme un « frein salutaire » vis-à-vis de la réaction immunitaire si apte à se « débrider ».

L'hydoxychloroquine a en plus une longue demi-vie d’élimination (40 jours/1 à 2 mois selon les auteurs…) ce qui peut être vu comme une « sécurité » supplémentaire (?) Mais le dermatologue que je suis, la remarque suivante : pourquoi la prise d'hydroxychloroquine dans la prévention de la « lucite estivale bénigne » doit-elle être anticipée d'une semaine ? « Prévention des lucites : 2 à 3 comprimés par jour, soit 400 à 600 mg d'hydroxychloroquine, à débuter 7 jours avant le début de l'exposition solaire, puis à poursuivre pendant les 15 premiers jours ».[VIDAL] Cette « imprégnation » de 7 jours ne serait-elle pas « indispensable » là aussi dans le Covid-19 et ne serait-elle pas un argument supplémentaire pour une thérapeutique la plus précoce possible ++, avec cette similitude de temps d'action de 7 jours que l'on retrouve dans la première phase « bénigne » de la maladie Covid-19 ?

Enfin, j’apprécie que l'on fasse référence au génie d’Ignace Philippe Semmelweis qui a incité au lavage des mains pour le bien de la médecine. Plus près de nous, en 1982, Barry J. Marshall, microbiologiste australien (prix Nobel 2005) a découvert le rôle de l'helicobacter pylori dans la survenue de l’ulcère d'estomac, mais a dû aller jusqu'à avaler une culture d'H.Pylori, et se traiter ensuite avec succès par antibiotiques, pour finir par convaincre toute la communauté scientifique jusqu'alors incrédule et raillante. « Quand l'ennemi innombrable approche de la rive du fleuve, il faut savoir faire sauter les ponts sans attendre. »

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Dr Fabien Gysels, Dermatologue, Poitiers (86)

Source : Le Quotidien du médecin