Courrier des lecteurs

Je deviens un athée scientifique au cours de cette crise sanitaire

Publié le 24/04/2020

Naïvement, comme beaucoup de mes collègues, je pensais que nos systèmes de santé, s'ils ne sont pas parfaits loin de là, étaient capables de gérer une crise sanitaire. Je n'évoque pas ici une catastrophe épidémique qui, par définition, dépasse toutes les possibilités mises en œuvre et les « bonnes volontés » organisationnelles médicales ou gouvernementales. Une crise sanitaire comme celle du Covid-19 doit être gérable.

Je pensais également que l'expérience des hygiénistes du passé, nous avait préparés à une crise comme celle que nous traversons et je pouvais « espérer » que l'analyse de nos errements du passé et les grands progrès de la lutte contre les maladies contagieuses, auraient changé nos comportements face à la peur millénariste de la contagion.

Et bien sûr nous n'avons rien prévu en regard des précautions à prendre. Que penser des responsables politiques et sanitaires qui ont omis de lire des descriptions des grandes épidémies comme dans certains textes de Camus, Giono ou Pagnol ? Et d'oublier les grands principes de la lutte contre les fléaux comme la tuberculose qui nous donnait des éléments de réflexion pour l'avenir ?

Nous sommes capables, au niveau de nos systèmes de santé publics, de prodigieux bonds en arrière. Cette incapacité des instances de santé publique pose la question de la finalité de nos systèmes de santé. Sommes-nous capables de prendre en soin ceux qui paient le plus lourd tribut au cours de cette crise sanitaire : les plus démunis et les plus âgés ? Sommes-nous en capacité d'absorber un surcroît de besoins de lits de réanimation ?

On a oublié les acteurs de proximité

Cette crise a oublié de s'appuyer sur ces acteurs de proximité (médecins et infirmières en particulier) impliqués quotidiennement dans la santé publique au travers des vaccinations par exemple ou des explications des gestes protecteurs. Ils sont plus crédibles que toute campagne publicitaire car ils connaissent leurs patients et que ceux-ci leur font confiance. Sommes-nous en capacité de reconnaître les erreurs et de les corriger ? La crise H1 N1 en est le dernier exemple tant sur le plan financier, que sur l'efficacité en termes de résultat.

Les instances de santé publique sont-elles capables de s'attacher à améliorer une situation sanitaire, tellement différente d'un territoire à un autre que les décisions prises ne peuvent être pensées et réalisées qu'avec les acteurs de santé du territoire pour la population de ce territoire, et non à une échelle surdimensionnées des provinces voire d'un pays ?

Quelques éléments qui auraient pu être pris en compte. En premier lieu, la mise à disposition de matériels de protection (masques, sur-blouses etc. ) qui devraient être stockés chez les répartiteurs pharmaceutiques par exemple, et distribués par le réseau habituel des pharmacies . En France, la distribution des masques chirurgicaux et FFP2 est réalisée par cet intermédiaire et cela fonctionne assez bien ( toujours la réactivité de proximité).

Le « testing » systématique de tous les professionnels de santé, y compris dans les établissements médicaux sociaux, aurait permis de couper au plus vite la chaîne de transmission dans ces établissements.

L'isolement des personnes touchées jusqu'à leur guérison, toujours pour couper cette transmission, (plutôt que des mesures généralisées de confinement assez illusoires,) est une mesure que nous avons apprise des épidémies antérieures. Et que dire du respect des mesures barrières à commencer par les concentrations dans les transports ?

Certaines de ces mesures ont été prises dans des pays aussi avancés que nous en termes de santé publique avec des résultats que l'on peut qualifier d'au minimum aussi performants que les nôtres... Voilà les réflexions d'un médecin de famille retraité actif, déçu de dire qu'il est devenu désabusé après plus de 50 années au service de ce qu'il pensait être le premier droit de l'individu : la santé (au sens de la définition de l'OMS).

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Dr Daniel Moreau Médecin généraliste La Ferté Bernard (72)

Source : Le Quotidien du médecin