ON S’EN SOUVIENT : le nord-est de l’Allemagne a été touché au premier semestre 2011 par une épidémie d’infections à E. coli O104:H4 producteur de Shiga toxine, avec syndrome hémolytique et urémique (SHU) chez 800 patients. Environ 30 % ont développé des complications neurologiques allant du delirium à l’épilepsie.
Rappel : les deux principales formes de microangiopathie thrombotique - le SHU et le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) - ont des pathogenèses distinctes. Un anticorps bloquant la cascade du complément, l’éculizumab, a été proposé dans le SHU alors que les échanges plasmatiques constituent un traitement de choix du PTT sévère. Dans le PTT, il existe des signes neurologiques mais les reins sont en général épargnés ; à l’opposé, dans le SHU, le tableau est dominé par l’atteinte rénale et les manifestations neurologiques sont moins fréquentes. Cela dit, la différence entre les deux affections est souvent difficile.
Des Allemands rapportent dans le « Lancet » l’expérience de deux hôpitaux (Greifswald et Hanovre) au cours de cette épidémie à E. coli O104:H4. Là, 12 des 63 patients ont développé des complications neurologiques nécessitant l’admission en soins intensifs. Ces patients n’ont répondu ni aux échanges plasmatiques ni à l’éculizumab. Mais le fait que ces complications neurologiques soient survenues de façon différée (dans la deuxième semaine après le début de la diarrhée) a fait penser à un mécanisme immuno-médié. Ce qui a conduit à envisager l’immunodéplétion en IgG comme traitement de sauvetage chez des patients dont la vie était menacée.
Deux séances sur deux jours consécutifs.
L’immunodéplétion a consisté à utiliser des colonnes liant les immunoglobulines et principalement les IgG (Immunosorba à Greifswald ; Globaffin et Therasorb à Hanovre). Deux séances d’immunoadsorption ont été réalisées sur deux jours consécutifs. À chaque séance, 12 litres de plasma étaient traités. À la fin de la deuxième séance, des IgG ont été administrées en I. V. pour restaurer les concentrations d’IgG.
Le score neurologique des patients a été évalué tous les jours. Les cotations étaient les suivantes : désorientation (1 point), panique ou hallucinations (1) coma (2), myoclonies (1), aphasie (1), parésie (1), convulsions (1), ventilation mécanique pour raison neurologique (3).
Régression en cours de séance.
Dans les trois jours précédant l’immunoadsorption, le score neurologique est passé en moyenne de 2,3 à 3 (1 à 4). Après immunoadsorption, il a diminué rapidement à 2,0 (1 à 3) à J1, 1,6 (1 à 2) à J2 et 1,0 à J3. Chez les patients non intubés, il a été possible de constater une amélioration neurologique au cours des séances d’immunoadsorption ; par exemple, l’aphasie a régressé : les patients 2 et 5 ont commencé à parler ; une attaque de panique sévère s’est arrêtée chez le patient 2 ; des myoclonies ont disparu chez les patients, 2 et 5. Chez 9 patients ventilés, 5 ont pu être extubés dans les 48 heures qui ont suivi le début de l’immunoadsorption et 2 dans les quatre jours ; le patient 3 n’a pas supporté le sevrage et le patient 5 a nécessité une prolongation de la ventilation pour une pneumonie liée à une inhalation au cours d’une crise convulsive deux jours après la première immunoadsorption ; alors que la pneumonie s’améliorait sous antibiotiques, les myoclonies se sont accentuées et on a entrepris une deuxième procédure d’immunoadsorption ; quelques heures plus tard, le patient a développé fièvre et hypotension ; des IgG lui ont été administrées et le sujet a récupéré. Chez tous les autres patients, les procédures ont été bien tolérées.
« Les anticorps sont probablement impliqués dans la pathogenèse des symptômes neurologiques sévères dans le SHU à E. coli O104:H4. L’immunoadsorption peut être utilisée avec sécurité pour améliorer rapidement ces complications neurologiques sévères », concluent les auteurs.
Andreas Greinacher et coll. Lancet du 5 septembre online.
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