Pourquoi l'Afrique est-elle épargnée ?

La « domestication » du moustique favorise les épidémies de Zika

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Publié le 27/11/2020
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Un travail minutieux de l'institut Pasteur et du CNRS met en évidence que la quasi-absence de Zika en Afrique s'explique par la sous-espèce sauvage de moustiques circulant sur le continent. Le réchauffement climatique pourrait favoriser les épidémies via la diffusion des insectes péridomestiques.
Réchauffement climatique et urbanisationun favorisent l'épidémie

Réchauffement climatique et urbanisationun favorisent l'épidémie
Crédit photo : Phanie

Pourquoi le continent africain est-il résistant face aux épidémies de Zika ? Sous-espèce invasive Aedes aegypti, ubiquitaire en Amérique du Sud et qui se développe en zone péridomestique, serait beaucoup plus apte à transmettre le flavivirus que son homologue « sauvage » majoritaire en Afrique, Aedes aegypti formosus, révèle une étude Pasteur/CNRS dans « Science ».

L’équipe internationale dirigée par Louis Lambrechts a réalisé une première série d’essais sur 14 colonies de moustiques : à dose équivalente, les espèces africaines (collectées au Cameroun, en Ouganda et au Gabon) s’infectaient moins facilement que les sous-espèces d’origine non africaine (Colombie, Guyane Française, Guadeloupe, Thaïlande et Cambodge). De plus, la probabilité de transmission était moindre avec les moustiques africains que les insectes sud-américains.

« Cette étude renforce notre compréhension de l’épidémiologie du Zika, explique Louis Lambrechts au « Quotidien ». On comprend un peu mieux pourquoi le virus épargne le continent africain, en dehors des régions où les deux sous-espèces s’hybrident comme à l’ouest du Sénégal et en Angola ». Si la différence de compétence vectorielle entre les sous-espèces n’est pas encore élucidée, « on est certain qu’il s’agit d’une cause génétique », ajoute le chercheur.

Ces travaux soulèvent des craintes quant à un risque épidémique favorisé par le réchauffement climatique et l’urbanisation. En septembre dernier, une étude américaine de l’université de Princeton a montré que les régions africaines les plus sèches et les plus urbanisées sont aussi celles où l’on observe une plus grande domestication des moustiques. « Ces données suggèrent que le réchauffement climatique pourrait être corrélé à une augmentation de la circulation de Zika sur le continent africain », craint Louis Lambrechts.

(1) Aubry F et al. Science, 20 novembre 2020;370:991–6. 
(2) Rose N et al. Current Biology, 21 septembre 2020;30(18):3570-9.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin