Il est désormais possible de procéder à une greffe d'organes entre un donneur et un receveur infectés par le VIH. L’arrêté du 5 juillet 2021 fixant le protocole dérogatoire permettant le prélèvement et la greffe d’organes provenant de donneurs porteurs de marqueurs du virus de l'immunodéficience humaine ouvre en effet cette possibilité.
Les modalités du don d'organes entre personnes infectées par le VIH sont les mêmes que celles mises en place en 2015, quand a été ouverte la possibilité d'un don provenant d'un donneur infecté par le virus de l'hépatite C. Ne seront éligibles au don que les personnes, vivantes et décédées, connues comme étant séropositives pour le VIH, sous traitement antirétroviral stable et ayant un dépistage génomique du VIH négatif dans les douze derniers mois (CD4 ≥ 500 copies par mL pendant les 6 mois précédents, moins de 50 copies d'ARN détectable par PCR ultrasensible). Le débit de filtration glomérulaire doit être supérieur à 80 ml/min/1,73 m2. Dans le cas particulier des greffes hépatiques, seuls les greffons présentant un score Métavir strictement inférieur à F2 pourront être proposés à la greffe.
Les receveurs séropositifs doivent, eux aussi être en infection contrôlée (ARN VIH < 50 copies/mL et sous traitement stable, absence de signe de maladie opportuniste active ou d'antécédent de Lymphome primitif du système nerveux central ou de leuco encéphalopathie multifocale progressive), avec un taux de CD4 supérieur ou égal à 200 copies par mL pour une greffe rénale et 100 copies par mL pour une greffe hépatique.
Quels organes concernés ?
Les organes concernés sont l'ensemble de ceux pouvant être greffés, sauf lorsque les donneurs sont coïnfectés par le VIH et par le virus de l'hépatite C ; alors seuls les reins peuvent être greffés. Les organes issus du protocole Maastricht III (donneurs décédés après arrêt circulatoire, à la suite d'une limitation ou d'un arrêt des traitements thérapeutiques) et les dons croisés sont en dehors du champs d'application de l'arrêté.
Le protocole dérogatoire ne peut être mis en œuvre que si le pronostic vital du receveur potentiel est engagé et si les alternatives à la greffe deviennent inappropriées, de sorte que l'attente d'un autre greffon que celui proposé dans le contexte dérogatoire est préjudiciable à sa survie.
Dans la situation où le prélèvement sur un donneur vivant est envisagé, un collège d'experts spécifique placé auprès de l'Agence de la biomédecine (ABM) doit évaluer au cas par cas le risque du prélèvement au vu de son statut sérologique ; le donneur doit recevoir une information détaillée sur les risques spécifiques pour sa santé, et notamment sur l'évolution de sa maladie, que peut avoir le prélèvement. L'ABM doit produire une lettre d'information destinée aux donneurs séropositifs pour le VIH. Le receveur doit également être correctement informé tant sur les bénéfices attendus et les risques encourus que sur les thérapeutiques qui peuvent être proposées et les contraintes liées au suivi spécifique qui sera engagé.
Seules des équipes réunissant au minimum un chirurgien transplanteur, un médecin ayant une expertise en suivi de transplantation et un médecin spécialiste du suivi de patients séropositifs pour le VIH peuvent envisager de réaliser ces greffes dérogatoires. Les médecins doivent avoir collectivement une expérience de greffe de l'organe concerné provenant d'un donneur séronégatif (pour le VIH) vers un receveur séropositif.
Un suivi prévu pendant 5 ans
Le suivi des receveurs doit comporter un bilan virologique en pré-greffe puis tous les six mois, incluant la détermination de la charge virale et le génotypage de la souche en cas de réplication virale, et ce pendant au moins cinq ans après la greffe.
L'ABM va collecter les données obtenues dans le cadre de ces greffes dérogatoires. Elles serviront de support à l'évaluation de la dérogation et son actualisation, si besoin. L'évaluation se fera sur la base du taux de rejet et de défaillance du greffon, du taux de survenue d'une nouvelle maladie infectieuse opportuniste pour le donneur vivant et le receveur du suivi des marqueurs viraux des virus HHV8 et de l'hépatite B en cas de mismatch sérologique entre donneur et receveur. Les résistances aux traitements et les incidences de cancers et de décès seront également scrutées.
Cette nouvelle disposition fait partie des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs du Plan greffe 2017-2022 : 7 800 greffes annuelles en 2021, soit un objectif de progression du nombre de greffe de 7 % par an. L’atteinte de ces objectifs suppose d’augmenter et de diversifier le prélèvement à partir de donneurs décédés et de renforcer le prélèvement et la greffe à partir de donneurs vivants. Le ministère de la Santé s'est réjoui dans un communiqué, d'une disposition qui « contribue, en élargissant l'offre de greffons, à réduire le délai d'attente de transplantation chez les personnes vivant avec le VIH en attente de greffe ».
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