A la 38 e réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse

Les big datas au service de la lutte contre l'antibiorésistance

Par
Publié le 07/01/2019
Article réservé aux abonnés

Novembre 2011. La Société de pathologies infectieuses de langue française publie des recommandations de bonnes pratiques pour le traitement des infections respiratoires hautes de l'adulte et de l'enfant. Sept ans plus tard, quel a été leur effet sur les prescriptions d'antibiotiques ? C'est ce que deux équipes ont cherché à savoir, en se fondant sur la collecte informatisée des données médicales. Les résultats de leurs travaux ont été présentés lors de la 38e réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse.

La première équipe a testé l'efficacité d'un programme d'implémentation de ces recommandations dans 8 services d'urgences pédiatriques, selon un modèle d' « antimicrobial stewardship » : des protocoles locaux développés dans chaque centre, des sessions de formation tous les 6 mois et un feedback. Une extraction automatisée des données de diagnostics d’infections ORL ou respiratoires aigües (IORA) chez des patients de moins de 18 ans a ensuite été effectuée, pour la période de novembre 2009 à octobre 2014.

Les chercheurs ont ainsi mis en évidence que le programme d'implémentation avait été suivi d’une diminution significative du taux de prescription d'antibiotiques pour IORA par 1 000 passages aux urgences, avec un effet cumulé de - 30,9 % à la fin de l'étude. Une baisse drastique du pourcentage de prescription d'antibiotiques à large spectre (amoxicilline-acide clavulanique: AAC ; céphalosporines de 3e génération : C3G) a également été observée, baisse qui s'est stabilisée aux alentours de 10 %. « Le programme "antimicrobial steawardship" permet donc d'améliorer les pratiques », indique le Dr Naim Ouldali, premier auteur de l'étude. Pour autant, « la continuité de ce type de programme est capitale pour avoir un réel impact », ajoute-t-il. Ce qui implique de réaliser des formations et un feedback réguliers auprès des prescripteurs et de disposer de bases de données automatisées, collectées en routine et facile d'accès pour « faciliter la surveillance et le retour d'information », ajoute le médecin.

Du mieux chez les enfants en ville

La seconde équipe a quant à elle analysé les données issues de la base IQVIA SDM, correspondant aux prescriptions d'antibiotiques dispensées en pharmacie de 2009 à 2017. En pédiatrie, sur les 120 millions de prescriptions enregistrées, une baisse d'environ 33 % du nombre de prescription par 1 000 habitants et par an a été constatée sur cette période. « Les taux de prescriptions étaient plus élevés chez les moins de 2 ans et les 3 à 6 ans avec une baisse au cours du temps relativement stable par tranche d'âge », indique le Dr Jérémie Cohen, de l'hôpital de l'hôpital Necker, de l'AP-HP à Paris, qui a participé à l'étude. Sur les 5 molécules les plus prescrites, « la part de l'amoxicilline a fortement augmenté au cours du temps (+ 71 %) et celle des molécules à large spectre a baissé (-31 %) », ajoute-t-il.

Chez l'adulte, sur les 455 millions de prescriptions comptabilisées, les chercheurs ont observé « une baisse de prescription très modérée avec des variations importantes par tranche d'âge [15-45 ans : - 20 % ; 45-65 ans : - 10 % ; > 65 ans : - 9 %] et une baisse moins importante à partir de 45 ans et surtout 65 ans », souligne le Dr Cohen. Parmi les 10 molécules les plus prescrites, l'amoxicilline est celle dont les prescriptions ont le plus augmenté (+ 22 %). Les prescriptions de cefpodoxime ont fortement baissé ( - 47 %, mais pas celles d’AAC (- 2 %), et la clarithromycine (66 %) semble avoir été remplacée par l'azithromycine (+44 %).

Ces résultats montrent que les recommandations de 2011 peuvent avoir un effet parfois notable sur le volume et la nature des prescriptions d'antibiotiques. Pour autant, « la France se classe toujours parmi les mauvais élèves de l'Europe en matière de prescriptions d'antibiotiques », regrette le Dr Naim Ouldali. Elle enregistre, chaque année, environ 5 500 décès sur les 33 000 comptabilisés en Europe. « Il est donc encore nécessaire d'améliorer nos pratiques », souligne le médecin.

Stéphany Mocquery

Source : Le Quotidien du médecin: 9713