Les coronavirus du rhume n'immunisent pas contre le SARS-CoV-2

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Publié le 03/07/2020
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Crédit photo : PHANIE

Comment expliquer que les enfants soient rarement atteints d'une forme sévère de Covid-19 ? L'une des hypothèses proposées jusqu'à présent était une possible immunisation croisée à la suite d'infections antérieures par des coronavirus responsables du rhume saisonnier, fréquents chez les enfants.

Selon une étude prépubliée par des médecins de l'AP-HP et des chercheurs de l'Institut Pasteur, cette explication serait finalement peu probable. Ils n'ont en effet pas retrouvé davantage d'anticorps dirigés contre les coronavirus saisonniers chez les enfants ayant une forme paucisymptomatique d'infection à SARS-CoV-2, comparés à des enfants non infectés ou à ceux qui ont développé une forme plus sévère, caractérisée par un syndrome inflammatoire multisystémique.

L'hypothèse de départ était que l'infection par les coronavirus saisonniers responsables du rhume immuniserait en partie contre le SARS-CoV-2, en raison de caractéristiques antigéniques en partie communes. « Cette hypothèse a été récemment amplifiée par des études qui mettent en évidence la présence d'effecteurs de la réponse immunitaire dirigés contre le SARS-CoV-2 chez des patients qui n'avaient pas été exposés au virus », explique au « Quotidien » Marc Eloit, responsable du laboratoire « Découverte des pathogènes » de l'Institut Pasteur, qui a dirigé l'étude.

Des anticorps neutralisants tardifs

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont recherché des anticorps témoins de l'infection contre les coronavirus du rhume les plus fréquents : NL63, 54HKU1, 229E et OC43 au sein d'un groupe de 739 enfants asymptomatiques ou paucisymptomatiques et chez 38 enfants ayant fait un syndrome inflammatoire multisystémique. Dans l'ensemble des patients testés, 11,7 % étaient séropositifs pour le SARS-CoV-2. Un taux « cohérent avec ce qui était attendu », explique Marc Eloit.

Des anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2 étaient retrouvés chez près de 60 % des enfants séropositifs en moyenne sur la durée de l'étude (avril et juin). Ce taux est monté à 100 % en fin de période. « On a constaté des prévalences similaires dans les trois populations, précise Marc Eloit. D'autre part, nous avons observé que les concentrations individuelles en anticorps anti-SARS-CoV-2 ne dépendent pas des concentrations en anticorps dirigés contre les coronavirus saisonniers. »

Compte tenu de à ce que l'on sait de la dynamique d'apparition des anticorps neutralisants contre le SARS-CoV-2 chez l'adulte avec des symptômes mineurs, les enfants de l'étude produisaient également les leurs « relativement tardivement », ajoute le chercheur en soulignant qu'il s'agit d'anticorps neutralisants selon des tests in vitro. « Nous n'avons aucun moyen de savoir si leur concentration dans le sérum des patients est suffisante pour lutter contre l'infection », prévient-il.

L'hypothèse de l'immunité de groupe fragilisée

Maintenant que l'hypothèse d'une immunité croisée procurée par les coronavirus saisonniers semble moins probable, quelles sont les autres explications à explorer pour expliquer la moindre gravité des infections chez l'enfant ? « Il y a peut-être un terrain pro inflammatoire plus fréquemment rencontré chez certains adultes », suppose Marc Eloit.

Ces travaux fournissent aussi des indices pour répondre à une autre question concernant une possible immunité de groupe contre le Covid-19. « Indirectement, nous avons mesuré la réponse aux quatre coronavirus endémiques, et malgré une prévalence importante d'anticorps, on observe de nouvelles infections tous les ans, détaille Marc Eloit. Il est donc possible qu'il ne faille pas fonder beaucoup d'attente sur une immunité de groupe pour que disparaissent les cas de Covid-19. »


Source : lequotidiendumedecin.fr