Mpox : le clade 1 est-il plus inquiétant pour les enfants ou les adultes ?

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Publié le 06/09/2024
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Plusieurs épidémies de mpox sont concomitantes. En Afrique centrale, en particulier en RDC, le clade 1a et 1b co-circulent mais avec des différences pour la transmission, les populations touchées et la mortalité, tandis que le clade 2 persiste ailleurs, y compris en Europe.

Crédit photo : Moses Sawasawa/AP/SIPA

Avec la déclaration de l’Urgence de santé publique de portée internationale (USSPI) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 14 août, l’émergence du nouveau clade 1b de mpox en République démocratique du Congo (RDC) a occupé le devant de la scène. Quitte à entraîner des confusions. Le clade 1 est-il plus préoccupant pour les enfants ou les adultes ? Si l’émergence du clade 1b et son extension rapide chez les adultes ont précipité l’USSPI, il y a plus de décès avec le clade 1a endémique chez les enfants.

Comme l’a rappelé Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS : « Cette recrudescence du virus est portée par deux épidémies distinctes - dans différentes parties du pays - de deux souches, ou clades, du virus responsable du mpox ». En RDC et ses pays voisins en Afrique centrale, circulent en effet le clade historique 1a, qui touche principalement les enfants, et désormais le 1b chez les adultes. La situation se complexifie à l’échelle du continent, puisqu’en Afrique de l’Ouest, sévit le clade 2, dont le clade 2b, parti du Nigeria, est à l’origine de l’épidémie mondiale de 2022. La diversité génétique du mpox s’explique par des introductions zoonotiques multiples, comptant en particulier les rongeurs (écureuils) dans les réservoirs animaux.

La RDC en proie à deux épidémies

« Le virus mpox est une zoonose présente en RDC depuis environ 50 ans, a expliqué à l’occasion d’un point presse de l’ANRS-MIE, le Dr Placide M’Bala, chef du service d'épidémiologie et de santé mondiale et chef du laboratoire de génomique des pathogènes à l'Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC. Historiquement, le virus touche en majorité les enfants de moins de 15 ans, en particulier ceux qui manipulent les petits rongeurs en zone rurale. La mortalité, entre 3,8 et 6,8 %, est assez élevée surtout chez les moins de 5 ans ».

Le clade 1b a été identifié plus récemment en 2023 chez les adultes et adolescents. « Il est apparu que ce virus peut se transmettre par contact proche interhumain mais aussi par transmission sexuelle comme le clade 2 ; la mortalité est plus faible, de 0 à 0,7 %  », poursuit le Dr M’Bala. Les clades 2 et 1b, qui sont des infections sexuellement transmissibles, présentent des similitudes en touchant préférentiellement les mêmes populations : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), les personnes en situation de prostitution, les personnes trans avec multipartenaires.

Des recommandations vaccinales différentes selon le continent

Depuis le début de l’année, sont recensés en Afrique plus de 19 000 cas de mpox et 600 décès, la souche nouvelle expliquant l’extension rapide ; par comparaison, le clade 2 a entraîné 100 000 cas et 200 décès depuis l’épidémie de 2022. En Europe, seul un cas de clade 1b a été recensé en Suède, mais le clade 2 persiste. La France compte ainsi 143 cas (des adultes, 140 hommes et 3 femmes) depuis janvier 2024 d’après le dernier bilan au 3 septembre de Santé publique France.

Ce constat explique que, l’Europe se préparant à des cas importés sporadiques de mpox, les recommandations vaccinales mises en place en 2022 en France dans ces populations cibles aient été reconduites ce 2 septembre par la Haute Autorité de santé, en introduisant un rappel pour les personnes vaccinées il y a deux ans.

Mais en RDC, qui a reçu le 5 septembre les premiers envois de vaccin, le plan de vaccination est un peu différent, compte tenu de la situation épidémiologique. « La stratégie cible les personnels de santé en première ligne, les populations clés (HSH, professionnels du sexe, personnes trans), les enfants de 1 à 17 ans mais aussi vétérinaires, chasseurs et commerçants de gibiers », rapporte le Dr M’Bala.

Enfants, femmes enceintes et personnes immunodéprimées à risque de formes sévères

Que sait-on de la dangerosité du mpox ? Outre une déshydratation chez les petits en l’absence de soins de support, le virus peut entraîner des complications à type de surinfections bactériennes, parfois oculaires avec cécité séquellaire, voire des atteintes d’organe (myocardite, encéphalite). « Les formes sévères concernent surtout les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées, explique pour sa part le Pr Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat (AP-HP). Les pédiatres doivent exercer leur acuité clinique pour y penser. Et de manière générale l’interrogatoire doit être précis ».

Cette maladie éruptive se déroule en trois phases (incubation de 15-20 jours, prodromes et éruption cutanéo-muqueuse douloureuse avec guérison en 2 à 6 semaines). L’éruption se caractérise par l’apparition d’abord de boutons rouges, en relief, qui se transforment en vésicules avant d’éclater. L’ulcération se recouvre d’une croûte avant la guérison en quelques semaines, possiblement avec des cicatrices. « Les lésions sont bilatérales et asymétriques, d’abord proches de l’endroit de contamination avant de s’étendre : autour de la plaie si morsure ou sur les zones génitales si la transmission est sexuelle », explique le Dr M’Bala. De même, la topographie des ganglions (présents dans 90 % des cas) dépend du mode de contamination, respectivement cervicale et sous-mandibulaire, ou inguinale. Le mpox peut ressembler à la varicelle, un herpès (surtout en cas de lésions génitales), la syphilis, un syndrome pieds-mains-bouche. « L’éruption évocatrice ne suffit pas, il faut un interrogatoire soigneux et un prélèvement par RT-PCR sur la lésion », insiste le Pr Lescure.

Place de l’antiviral técovirimat

Si le traitement conventionnel repose sur les antalgiques et la réhydratation, quelle est la place des antiviraux ? Un accès compassionnel a été accordé en 2022 au técovirimat, développé pour le traitement de la variole, pour le traitement des personnes à plus haut risque (infection VIH non contrôlée, enfants <8 ans, femmes enceintes). « L’antiviral peut être administré en cas d’atteinte oculaire ou de dysfonction d’organe », précise la Pr Alexandra Calmy, infectiologue aux hôpitaux universitaires de Genève.

Si l’essai Palm007 mené chez près de 600 patients en RDC s’est montré décevant pour le clade 1, les chercheurs n’abandonnent pas la piste. Les études avec le clade 2 se poursuivent avec Unity de l’ANRS-MIE (Argentine, Brésil et Suisse) et l’essai américain Stomp. « Les questions se bousculent, poursuit l’infectiologue suisse. L’antiviral est-il plus efficace chez les adultes ? Pour le clade 2 ? En combinaison, notamment avec le brincidofovir ou avec un vaccin ? Une chose est sûre, les antiviraux ont leur place dans les formes sévères. C’est important d’avoir des ressources thérapeutiques à proposer pour que les populations aient recours aux soins, à titre individuel mais aussi pour détecter les cas et protéger l’entourage ».


Source : lequotidiendumedecin.fr