Polio : après une incidence à la hausse lors de la pandémie, l'OMS lance une nouvelle stratégie d'éradication

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Publié le 11/06/2021

Crédit photo : AFP

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de publier sa nouvelle stratégie d'éradication de la poliomyélite pour la période 2022-2026, alors que l'année 2020 a été marquée par une augmentation du nombre de nouveaux cas : 1 226 contre 138 en 2018, qui s'expliquent par les perturbations liées à la pandémie de coronavirus.

En 2020, les campagnes de porte-à-porte menées en Afghanistan et au Pakistan, les deux pays où l'on dénombre encore des infections locales, ont dû être interrompues pendant quatre mois pour protéger les populations et le personnel. De plus, 100 millions de dollars (82 millions d'euros) normalement dédiés à la lutte contre la poliomyélite ont été redirigés vers les programmes de lutte contre le Covid-19.

Stopper les épidémies liées aux souches atténuées

La stratégie 2022-2026 vise à remettre les efforts d'éradication de la poliomyélite « sur les bons rails », avec la mise en place de collaborations avec les communautés à haut risque d'infection. La stratégie comprend aussi un volet de lutte contre les inégalités de genre et une relation étroite avec de nouveaux acteurs comme le nouveau sous-comité dans l'est de la Méditerranée, où des cas ont été rapportés dans cette région du monde.

La cible est non seulement l'éradication de la poliomyélite « sauvage » mais aussi l'arrêt des épidémies liées aux souches vaccinales redevenues virulentes dans les populations mal vaccinées d'Afrique et d'Asie.

Dans un point de vue publié dans le « Lancet Global Health », le Dr Konstantin Chumakov (bureau des recherches vaccinales de la FDA), le Dr Ellie Ehrenfeld (Instituts nationaux américains de la santé), le Pr Vadim Agol (Centre Chumakov de recherche et de développement des produits immuno-biologiques de Moscou) et le Pr Eckard Wimmer (unité Stony Brook de New York) plaident pour une stratégie soutenue de protection de la population. « Il ne faudra pas seulement arrêter la circulation du virus, mais aussi maintenir un niveau d'immunisation élevé de manière indéfinie », expliquent-ils.

20 ans de retard sur les objectifs initiaux

La première initiative globale d'éradication de la poliomyélite (GPEI) a été lancée en 1988, avec pour objectif l'élimination de la maladie en 2000. Dans cette première mouture, il était prévu la destruction ou le stockage sécurisé de tous les vaccins restants afin d'éviter les rares cas de poliomyélite induite par le vaccin et rediriger les investissements publics.

La plupart de ces cas sont causés par des recombinaisons entre différents sérotypes de virus atténués de la poliomyélite utilisés lors de la vaccination et d'autres virus. « La distinction entre ces poliomyélites induites et les poliomyélites sauvages est purement académique, car les deux se transmettent aussi bien dans une population mal immunisée », expliquent les auteurs.

De nouveaux vaccins

Les deux vaccins utilisés actuellement sont inactivés (IPV, inactivated poliomyelitis vaccine, voie sous-cutanée ou intra-musculaire) ou atténués (OPV, oral polio vaccine, voie orale). Les virus atténués des vaccins oraux sont capables de redevenir virulents via des mutations ou des recombinaisons, tandis que les vaccins injectables ne sont pas en mesure de développer une immunité intestinale suffisante pour bloquer la transmission du virus. « Si les deux vaccins sont utilisés en même temps, leurs meilleures propriétés pourraient se combiner pour créer une immunité collective efficace, expliquent les auteurs. Actuellement plusieurs approches sont évaluées, y compris le développement de particules mimant les protéines virales [...] De nouvelles souches vaccinales appartenant aux sérotypes OPV1 et OPV3 sont également développées pour de futurs candidats trivalents. »

En attendant l'arrivée de ces nouveaux outils, l'OMS a intégré désormais un nouveau vaccin oral contre la souche de type 2, le nOPV2, destiné à lutter contre le cVDPV de type 2, le variant le plus fréquent. Des pays victimes d'épidémies liées aux souches atténuées ont commencé à s'en servir en mars 2020.  


Source : lequotidiendumedecin.fr